Gilles Guitton
A l’échelle du million d’années, familière aux fossiles des collections de géologie, les trois années de retard de la rénovation du muséum d’Histoire naturelle de Bordeaux sont peu de chose. Mais à l’échelle des politiques et scientifiques qui ont commencé à y réfléchir en 2006, l’annonce d’un début des travaux au 1er février 2015 sonne comme un soulagement.
Du coup, l’hôtel de Lisleferme devrait ouvrir ses portes toutes neuves en 2017. Au lieu de 2014. Huit ans après leur fermeture en 2009. Mais cette fois, les marchés de travaux sont passés, et la Ville vient d’inscrire 4 millions d’euros à son budget primitif 2015, sur les 6 millions d’euros que réclameront le gros œuvre et le second œuvre. Reste encore à valider la muséographie : un marché public est lancé sur ce dernier chapitre.
Les retards tiennent pour beaucoup à l’ambition architecturale du projet. Le premier permis de construire, signé de Basalt architecture, prévoyait de creuser un sous-sol sous l’hôtel de Lisleferme, plus bas que ses fondations.
Sous-sol déplacé
Double problème : « Les entreprises ont trouvé qu’il y avait trop de risques et les marchés sont restés infructueux. En outre, il est apparu qu’un gros collecteur d’eaux usées passait là-dessous, qui n’avait pas été repéré à l’origine », explique Fabien Robert, adjoint à la culture à la Ville. Comme souvent à Bordeaux, les entrailles de la ville sont piégeuses. Un nouveau permis de construire a donc dû être déposé, fin 2013. « L’organisation du projet, avec un sous-sol destiné aux expositions temporaires, n’a pas changé. Mais le sous-sol va être creusé en avant du bâtiment, avec un accès par l’intérieur, et non plus le plan incliné qui était prévu », complète l’élu.
Signalétique en débat
S’agissant d’un édifice et d’un jardin qui forment l’âme bucolique du Bordeaux de l’intendant Tourny, les travaux eux-mêmes prendront du temps.
Le délai permettra sans doute d’aplanir les différends actuels entre la Ville et l’architecte des Bâtiments de France. Nous n’avons pu joindre cette dernière, mais selon Fabien Robert, ça discute ferme sur la signalétique. La Ville investit lourdement et veut faire du muséum une vitrine touristique aisément repérable. « Pas question de fluo sur la façade bien sûr, mais il faut que le musée soit vu. Qu’on puisse installer des kakemonos, des affiches, des supports d’information sur les expositions, des totems ». Or l’approche de l’architecte serait beaucoup plus rigoriste quant au respect de l’intégrité du site.
La baleine et Miss Fanny
Quant à la muséographie, c’est-à-dire la mise en valeur et en scène des collections, elle prendrait le parti de rappeler « l’esprit ancien du musée », avec ses vieilles vitrines, mais dans une version très actuelle, avec vidéo-projection, sons et lumières dans les salles. « C’est un domaine qui évolue très vite », souligne Fabien Robert. Il annonce tout de même que le squelette de baleine, curiosité spectaculaire de l’ancien muséum, va probablement se retrouver suspendu en plein ciel.
Un autre personnage sera sans doute très attendu : Miss Fanny, l’éléphante de la ménagerie naturalisée en 1892, mascotte de l’hôtel de Lisleferme. Elle est pour l’instant au centre de conservation construit récemment à Bacalan dans le cadre de la même opération. L’ensemble des collections, qui compte un peu plus d’un million de spécimens répartis en 207 000 lots, a révélé le récent récolement (un inventaire scientifique minutieux) dont Nathalie Mémoire et son équipe extraient de temps à autre les pièces nécessaires à des expositions temporaires, et à l’action en milieu scolaire baptisée Le Muséum chez vous, qui se poursuivra jusqu’à la réouverture.