L’énergétique d’Ostwald
p. 209-226
Texte intégral
Résumé
1Après une brève présentation de la théorie énergétique élaborée par Wilhelm Ostwald, dans les années 1890, je présenterai les réactions qu’elle a suscitées en France. Cette étude d’un cas de controverse scientifique me paraît originale. En effet, l’historiographie des controverses présuppose généralement un partage en deux camps adverses qui permet d’identifier les gagnants et les perdants. Dans le cas de l’énergétique, une situation de controverse est créée par le ton très polémique – volontiers provocateur – du promoteur de l’énergétique. Ostwald déclenche une série de ripostes mais la scène reste confuse.
2L’énergétique interpelle les savants français et stimule les efforts pour penser la théorie physique. Il est impossible cependant de cerner la position du camp adverse car, derrière les critiques, on découvre une multitude de positions différentes, des rejets sans appels, des rejets avec adhésion partielle, des mécanismes d’acclimatation. Le partage en deux camps est un effet superficiel qui dissimule une vague de fond, une gigantesque entreprise visant à reconstruire l’ensemble des sciences physiques et chimiques.
3Je tenterai de montrer que la diversité des réponses à la provocation d’Ostwald tient, d’une part, au fait que c’est une controverse à 3 dimensions qui mobilise des arguments scientifiques, philosophiques et historiques ; d’autre part, la variété des réponses tient à des déplacements subtils de l’enjeu favorisés par des « erreurs » de traduction.
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4« Notre siècle mourant fait au siècle naissant le legs scientifique le plus fécond en espérances : il lui lègue la théorie énergétique ». C’est en ces termes à la fois et pompeux que Wilhelm Ostwald présente les grandes lignes d’un vaste programme en 1895 au Congrès de la Gesselschaft Deutscher Naturforscher und Ärtze. Professeur à l’université de Leipzig, fondateur avec van’tHoff et Arrhenius de la chimie physique et du Zeitschrift für Physikalische Chemie, auteur de deux manuels influents1, Ostwald entreprend une réinterprétation de toute la chimie, en termes d’énergie, sur la base des deux principes de la thermodynamique – principe de conservation de l’énergie et principe de Carnot. Il prétend ainsi faire l’économie de l’hypothèse atomique et va jusqu’à proclamer que le concept de matière, lié à une interprétation mécaniste de la nature, est périmé.
5Ce programme est critiqué en Allemagne, notamment par Ludwig Boltzmann qui soutient la nécessité de l’atomisme, Max Planck, Felix Klein, et Walter Nernst. En France, les idées d’Ostwald, diffusées dans un article intitulé « La déroute de l’atomisme contemporain » paru dans la Revue générale des sciences pures et appliquées, no 21, 15 novembre 1895, suscitent de vives réactions dans les pages de cette revue et plus largement dans un certain nombre de publications durant plus de 10 ans2.
6Je propose d’analyser cette controverse dans le contexte français car elle présente des caractères originaux3.
7Les controverses scientifiques sont un thème favori de l’histoire des sciences depuis quelques années. Dans la plupart des cas, on présente deux camps adverses et il est facile d’identifier les gagnants et les perdants. Dans le cas de l’énergétique, une situation de controverse est créée par les propos d’Ostwald mais la scène reste confuse. L’énergétique interpelle les savants français et stimule les efforts pour penser la théorie physique. Il est impossible de cerner la position du camp adverse car, derrière les critiques, on découvre des adhésions partielles, des mécanismes d’adaptation, acclimatation qui permettent à chacun d’élaborer sa propre théorie. Le partage en deux camps est un effet de surface qui dissimule une vague de fond, une gigantesque entreprise visant à reconstruire l’ensemble des sciences physiques et chimiques.
8Je montrerai que la diversité des réponses à la provocation d’Ostwald tient d’une part au fait que c’est une controverse à trois dimensions qui mobilise des arguments scientifiques, philosophiques et historiques ; d’autre part la variété des réponses tient à des déplacements subtils de l’enjeu favorisés par des « erreurs » – intentionnelles et donc révélatrices – de traduction.
Les arguments d’Ostwald
9L’argumentation d’Ostwald dans « La déroute de l’atomisme contemporain » est limpide : d’abord montrer l’insuffisance de la théorie mécanique, qui d’après lui est responsable du fameux ignorabimus de Dubois-Reymond ; puis dans un deuxième temps, montrer que l’on peut sortir de l’impasse, qu’une voie sûre – quoique longue et pénible – s’ouvre à la science à travers l’énergétique.
10Plusieurs remarques sur cette argumentation :
1) La cible d’Ostwald est ambiguë
11Le titre allemand « Die uberwindung der wissenchaftlischen materialismus » (le dépassement du matérialisme scientifique) est traduit en français par « la déroute de l’atomisme contemporain ». À la faveur d’une traduction, la cible se déplace du terrain philosophique au terrain proprement scientifique. L’équivalence entre atomisme et matérialisme scientifique ne va pas de soi d’autant que l’article vise beaucoup plus le mécanisme que l’atomisme, ce dernier n’étant qu’indirectement visé. Ostwald présuppose implicitement que l’atomisme est un produit de la mécanique classique. Dans la recherche d’un invariant, la science a d’abord élu la masse :
« Ainsi prit naissance l’idée de matière, sous laquelle on comprend en bloc tout ce qui, pour nos sens, est lié indissolublement à la masse, comme le poids, le volume, les propriétés chimiques ; la loi physique, conservation de la masse, a ainsi dégénéré en un axiome métaphysique : la conservation de la matière. »4
12Atomisme et mécanisme se trouvent ainsi confondus dans un concept de « matérialisme scientifique ». L’essentiel de la critique porte en fait sur deux niveaux différents de la théorie mécanique :
13A) Ostwald attaque d’abord le mécanisme pour son extension excessive, sa prétention à la généralité : la présupposition d’un éther support des ondes lumineuses est absurde et conduit à l’élaboration d’une théorie électromagnétique. La critique porte ici non sur le principe de base mais sur son extension au-delà d’un domaine de validité : De même dans « L’énergétique moderne », Ostwald critique d’autres extensions abusives à ces yeux de la mécanique rationnelle dans l’usage des concepts d’énergie potentielle et cinétique ou chaleur latente calqués sur le schéma de l’astronomie dans le cadre de la mécanique rationnelle. On pourrait cependant lui reprocher de faire la même chose avec la thermodynamique qu’il étend au-delà de son domaine de validité.
14B) Mais Ostwald attaque aussi la mécanique dans son principe même : elle suppose une nature réversible alors que les phénomènes qu’on observe présentent de l’irréversibilité : on voit qu’aucun de ces deux arguments ne porte atteinte à l’atomisme des chimistes du XIXe siècle lequel n’a aucun lien – du moins logique – avec la mécanique. La seule forme d’atomisme qui est visée par Ostwald est la supposition de molécules dans la théorie cinétique des gaz. Cette représentation concrète figurée de molécules agitées d’un mouvement non-directionnel est pour Ostwald une hypothèse inutile.
15En 1895, Ostwald suggère simplement de reconstruire la physique sur la base des deux principes de la thermodynamique : le principe de conservation de l’énergie et celui d’entropie (qu’il reformule comme impossibilité du mouvement perpétuel de deuxième espèce). Il ne prétend pas encore éliminer totalement la matière et termine même sur une note de réserve :
« Cependant, je ne saurais omettre une dernière question : l’énergie si utile si nécessaire à l’intelligence de la Nature suffit-elle entièrement à la tâche ? Je réponds : non. Quels que soient les avantages de la théorie énergétique sur la théorie mécanique, il reste quelques points qui échappent aux principes actuellement connus et qui semblent indiquer l’existence de principes plus élevés. L’énergétique n’en subsistera pas moins à côté de ces nouveaux principes ; mais elle cessera d’être ce qu’elle doit être encore pour nous, c’est à dire le cadre le plus vaste dans lequel nous faisons rentrer les phénomènes naturels : elle deviendra un cas particulier de relations plus générales, relations dont il nous est à peine possible actuellement de pressentir la forme. »5
16En revanche, dans « L’énergétique moderne » quelques années plus tard, Ostwald soutient que l’énergie est un concept nécessaire et suffisant pour embrasser l’ensemble de la physique. Il affirme « l’usage du mot matière a cessé de convenir au langage scientifique » car on peut définir un corps comme un complexe de trois énergies : volume, gravitation, mouvement. Ainsi l’énergétique met un terme au dualisme matière-énergie :
« Le caractère distinctif de l’Énergétique moderne est l’abandon de ce dualisme ; l’Énergie y prend la place du concept le plus général. C’est aux propriétés et aux relations énergétiques qu’on ramène tous les phénomènes, et on doit définir la Matière en partant de l’Énergie… On ne peut pas définir le concept d’« homme » par le concept de « nègre » ; c’est l’inverse qui doit se faire. Il est impossible de définir les concepts de lumière ou d’Électricité par celui de Matière, car on leur reconnaît un caractère immatériel mais on peut les définir au moyen de l’énergie car la lumière et l’électricité sont des modes ou facteurs de l’Énergie. »6
17Énergie ou matière, homme ou nègre, cette comparaison si révélatrice du contexte colonial dans lequel se développe l’énergétique, est aussi révélatrice de son entreprise scientifique. Pour être « nègre », on n’en est pas moins « homme ». La matière est l’une des multiples manifestations de l’énergie7. Mais la matière séparée de l’énergie n’est plus rien.
2) Les ressources philosophiques d’Ostwald
18Il paraît courant, il est tentant de discriminer à l’intérieur de l’œuvre d’Ostwald une énergétique qui relève de l’histoire des sciences d’une énergétique plus spéculative, fantaisiste – voire mégalomaniaque – qui relève de l’histoire des mentalités ou de la civilisation. Je voudrais monter que cette démarcation est trop facile et surtout enlève toute consistance à la pensée d’Ostwald.
19Ostwald lui-même admet qu’il existe une action réciproque entre science et philosophie : d’un côté, les grandes découvertes scientifiques entraînent une transformation profonde dans la conception du monde et le raisonnement philosophique ; d’un autre côté, le changement philosophique réagit tardivement sur la science. « La science se trouve ainsi relativement en retard sur la philosophie qui, à un autre point de vue, est en retard sur la science »8. Ce schéma d’action-réaction permet-il d’éclairer le programme d’Ostwald ?
20Ostwald dédicace son « Cours sur la philosophie de la nature » (Vorlesungen über Naturphilosophie, 1902), à Ernst Mach qu’il considère comme la personne qui l’a le plus influencé9. Toutefois cet aveu ne doit pas nous conduire à ranger trop promptement Ostwald parmi les disciples de Mach. D’une part, ce dernier n’a jamais adhéré à l’énergétique, d’autre part, Ostwald trouve certes des ressources chez Mach mais il forge sa propre épistémologie pour soutenir son ambition de réformateur de la science et de la civilisation.
21Comme Mach, Ostwald utilise l’histoire pour instruire le procès du mécanisme, mais contrairement à Mach, Ostwald n’accorde pas vraiment une fonction critique à l’histoire. L’histoire est plutôt convoquée pour construire quelque chose. Non seulement l’histoire fait partie de l’exposé d’une science10 mais, de plus en plus, Ostwald s’intéresse à l’histoire pour dégager des lignes générales d’évolution et son interprétation devient de plus en plus psychologique : Ostwald s’efforce de comprendre le processus de novation à partir de la psychologie des grands hommes et avance même une théorie de l’épuisement du génie fondée sur l’énergétique. De l’histoire de la science, Ostwald cherche à dégager une ligne directrice. Loin de s’embarrasser de précision historique, Ostwald ne retient que l’énoncé des principes : il saute de Galilée auquel il attribue le concept de force (Newton sa variation en fonction de la distance) à Lavoisier pour le principe de conservation de la matière puis à Robert Mayer pour le principe de conservation de l’énergie11. Le dualisme matière-énergie qui caractérise le XXe siècle définit le champ d’action d’Ostwald : dépasser ce dualisme pour n’admettre qu’une seule réalité l’Énergie. Quelle est la philosophie sous-jacente à ce projet ?
22Ostwald prétend éliminer les résidus métaphysiques qui encombrent la science. Le principe de conservation de la matière est métaphysique au sens où il implique des hypothèses. On suppose qu’une entité se conserve (une substance) alors que les propriétés phénoménologiques disparaissent. Or une réalité ne se définit que par ses propriétés physiques et chimiques12 Donc la mécanique classique repose sur un postulat métaphysique.
23Par contraste, Ostwald proclame sa volonté d’affranchir la science de toute hypothèse et l’énergétique est une tentative pour atteindre ce but13. Plus exactement, Ostwald condamne les hypothèses portant sur des relations entre des entités crées par notre esprit mais affirme la nécessité des « protothèses », des hypothèses portant sur des grandeurs mesurables et qui doivent disparaître comme l’échafaudage quand l’édifice est terminé14.
24Comme Ernst Mach, Ostwald engendre le phénomène à partir des sensations et Ostwald s’efforce de donner une réalité sensorielle à cette chose invisible qu’est l’énergie : « Vous recevez un coup de bâton. Que ressentez-vous le bâton, ou son énergie ? »15 C’est un principe d’économie de la pensée, fidèle à Mach qui pousse Ostwald à en finir avec le dualisme matière-énergie pour tenter d’unifier toutes les sciences physiques chimiques et biologiques sur la base d’un seul concept : l’énergie et les deux principes de la thermodynamique.
25On voit donc que le mot d’ordre « s’en tenir aux phénomènes » ne signifie pas s’en tenir aux représentations sensibles. Ostwald, iconoclaste, chasse les images concrètes qu’affectionnent les mécanistes.
« Alors dira-t-on, s’il faut renoncer aux atomes, à la mécanique, quelle image de la réalité nous restera-t-il ? Mais on n’a besoin d’aucune image, d’aucun symbole. Ce n’est pas notre affaire de voir le monde plus ou moins déformé dans un miroir courbe ; il faut le voir directement, autant que nous le permettent nos forces intellectuelles. Établir les rapports entre des réalités, c’est à dire des grandeurs tangibles, mesurables, de telle sorte que les unes étant données, les autres s’en déduisent, voilà la tâche de la science et la science ne l’a pas remplie quand elle se paie d’une image plus ou moins hypothétique. »16
26Ostwald la considère avant tout comme une grandeur mathématique. Il admet par delà les phénomènes une réalité qui est abstraite mais mesurable. L’énergie est réelle, par delà les manifestations concrètes diverses sous forme de chaleur ou de lumière parce qu’elle est une grandeur mesurable :
« Quand une chose est mesurable par un nombre en unités physiques, que ce nombre reste invariable dans tout le processus connu, elle remplit au plus haut point toutes les conditions imposées à une réalité. Il sera possible en particulier de pronostiquer sa valeur avant et après telle transformation que l’on voudra. »17
27Une grandeur est ce à quoi on peut attribuer une valeur. Donc est réel ce qui présente une valeur : « la preuve la plus frappante de la réalité de l’énergie est qu’elle possède une valeur marchande » (ibid.). On comprend que cette conception de la réalité comme valeur a retenu l’attention d’un philosophe comme William James, qui cite parfois Ostwald en exemple pour illustrer des points de méthode18.
28Positivisme ou pragmatisme ? On pourrait certes discuter sur la nature de l’étiquette à coller sur l’épistémologie d’Ostwald. Mais on ne ferait ainsi qu’obscurcir une position originale.
29Car Ostwald développe en fait une ontologie. La réalité de l’énergie est elle d’une substance et non d’une simple abstraction mathématique. Le mot « énergie » désigne à la fois « la fonction générale des grandeurs mesurables qui se conserve en toute circonstance » et chaque manifestation concrète particulière de cette fonction générale. Bref l’énergie désigne à la fois la substance et les accidents.
30Donc en résumé : l’énergétique mobilise une philosophie bien différente de celle de Mach ou des pragmatistes : elle repose sur une volonté d’éliminer les entités hypothétiques, les images sensibles concrètes, une exigence d’explication causale et enfin un réalisme ontologique. C’est pourquoi il est impossible de séparer une version scientifique de l’énergétique d’une version spéculative. La science d’Ostwald est une métaphysique
3) L’énergétique comme rêve savant
31Thèse d’Ostwald est que l’énergétique permet de ramener à un point de vue unique les manifestations les plus diverses du savoir et du pouvoir humains, de comprendre le passé et de prévoir l’avenir19. C’est une clé de lecture qui permet d’éliminer une foule de problèmes oiseux et de réinterpréter toute la civilisation. Par exemple, la vie étant une manifestation constante d’énergie, Ostwald élimine la notion d’hérédité « propriété dont on ne peut démontrer ni la vérité ni l’exactitude »20. La psychologie, grâce à l’énergétique, se voit enfin débarrassée du faux problème posé par le dualisme âme-corps et pour vider tout à fait la querelle entre matérialistes et spiritualistes, Ostwald suggère aux psychologues la protothèse d’une énergie psychique21. L’énergétique ne fait pas que supprimer des faux problèmes ; elle fournit des concepts généraux pour penser la civilisation. Ostwald prétend que « la notion générale de valeur a pour origine les transformations de l’énergie »22. L’histoire de la civilisation est la conquête de l’énergie par l’homme ; c’est à dire la transformation de l’énergie liée en énergie utilisable.
« La nature met à notre disposition le rayonnement solaire et les produits de transformation de cette énergie qui se sont formés sans intervention humaine. Mettre cette énergie brute sous une forme directement utilisable, c’est la tâche de l’homme en face de la nature [...]. Toute machine, tout procédé, tout homme intelligent qui améliore le rendement a une valeur d’autant plus grande que l’amélioration est plus considérable et que la forme d’énergie dont l’usage est perfectionné a plus d’importance pour nous. »23
32En suivant ce principe de traduction en termes énergétiques, un outil est défini comme un accumulateur ou transformateur d’énergie et tout événement comme une transformation d’énergie.
33Tel est le programme ambitieux d’Ostwald visant à l’unification de tout le savoir et même de la pratique humaine, sous la houlette du concept d’énergie.
Réponses françaises à l’énergétique d’Ostwald
34Ce ne sont pas les spéculations aventureuses d’Ostwald qui interpellent lecteurs français. Ils réagissent immédiatement à l’article de 1895 avant de connaître les applications de l’énergétique à la création d’une langue universelle l’Ido, à la civilisation et à la gestion de l’environnement.
1) Un débat à la française
35En France, le débat se centre sur la théorie physique et il y reste concentré au début du XXe siècle, lors même que grâce à une large diffusion des traductions d’Ostwald, les lecteurs français étaient au courant de ses tentatives pour unifier tout le savoir et toute la civilisation. Je ne connais pas de tentatives pour discréditer l’énergétique d’Ostwald pour cause d’ambition délirante. En France, Ostwald est présenté comme un strict positiviste qui veut s’en tenir à l’expérience et cherche à limiter l’ambition de la science. Par exemple, dans sa conférence sur « l’esprit de l’enseignement scientifique » en 1904, Paul Langevin voit dans l’énergétique un « ignorabimus contre lequel protestent nos instincts et nos convictions »24, alors que dès 1895, Ostwald avait défini son programme comme un dépassement de l’ignorabimus.
36Cette interprétation de l’énergétique me semble liée au contexte dans lequel les physiciens, chimistes, et philosophes français découvrent l’énergétique. En 1895, on est en pleine controverse sur la banqueroute de la science25. Amorcée par un article de Ferdinand Brunetière, qui dénonce les promesses non tenues par la science, cette polémique oppose des savants républicains comme Berthelot aux métaphysiciens et au clergé. Mais par-delà les affrontements directs, elle suscite toute une série d’interrogations sur la valeur de la science – d’où l’ouvrage d’Henri Poincaré en 1905 – et plus précisément sur les fonctions de la théorie physique. La pression qu’exerce le débat sur la faillite de la science sur la question de la théorie physique et sur l’énergétique est manifeste dès 1895, quand Marcel Brillouin commence sa réponse à l’article d’Ostwald en ces termes : « Après la banqueroute de la science, la déroute de l’atomisme ! » constate Marcel Brillouin26. Elle est toujours manifeste en 1907 quand Abel Rey confesse que c’est « le mouvement fidéiste et anti-intellectualiste des dernières années du XIXe siècle » qui l’a poussé à entreprendre sa recherche de thèse sur la théorie physique.27
37Après un référendum auprès des physiciens contemporains, Abel Rey classe les physiciens en trois catégories par rapport au mécanisme. La catégorie n ° 1, celle des antimécanistes comprend Mach, Rankine, Ostwald et Duhem. La catégorie n ° 2 des physiciens dans l’expectative comprend Poincaré. La catégorie n ° 3 des mécanistes comprend J. J. Thomson et Jean Perrin.
38Duhem se trouve ainsi hâtivement catalogué comme un disciple de l’énergétique bien qu’il n’ait pas pris position dans la controverse qui suit la publication de « La déroute de l’atomisme contemporain ». Dans l’Évolution de la mécanique, il fait certes référence à l’article fameux de 1895 mais sur un mode très critique. Au nom du sens commun, Duhem refuse de se passer de la matière.
« Au moment de quitter la terre ferme de la Mécanique traditionnelle pour nous élancer, sur les ailes du rêve, à la poursuite de cette Physique qui localise les phénomènes dans une étendue vide de matière, nous nous sentons pris de vertige ; alors de toutes nos forces, nous nous cramponnons au sol ferme du sens commun ; car nos connaissances scientifiques les plus sublimes n’ont pas, en dernière analyse, d’autre fondement que les données du sens commun [...]. Nous persistons donc à admettre que tout mouvement suppose un mobile, que toute force vive est la force vive d’une matière [...]. Nous demeurerons donc en deçà des doctrines pour lesquelles l’existence substantielle des matières diverses devient une illusion et nous arrêterons nos discussions aux bornes que Hertz lui-même n’avait pas franchies. »28
39Dans la première édition de La Théorie physique (1906) réunissant des articles publiés en 1904 et 1905, Duhem mentionne Ostwald à peine deux fois en passant29 ; il se réfère à Mayer et à Rankine, pour illustrer le statut des théories abstraites qu’il distingue des théories explicatives30. Duhem superpose sur cette catégorisation des théories une typologie des styles nationaux : l’esprit français et l’esprit allemand – étroit et fort – cultivent les théories abstraites. L’esprit anglais, ample et géomètre, imagine des modèles concrets. Ainsi malgré sa propre tentative pour fonder la mécanique chimique sur les bases de la thermodynamique, Duhem se tient à distance du programme d’Ostwald.
40L’assimilation de Duhem aux énergétistes est favorisée par le biais d’interprétation de Rey. De ce que l’énergétique remet en question le mécanisme, Abel Rey conclut que toute opposition au mécanisme est de l’énergétique. C’est ainsi qu’il publie en 1908 un livre intitulé L’énergétique et le mécanisme au point de vue des conditions de la connaissance31. Par contraste, avec le mécanisme qui, aux yeux de Rey, est une théorie créatrice qui pénètre au cœur de la matière et de l’atome, l’énergétique est caractérisée par son refus de pénétrer la nature intime des phénomènes, et son refus des représentations sensibles. Oublieux des déclarations insistantes d’Ostwald sur la réalité de l’énergie, Rey affirme que les énergétistes ne visent qu’à classer et prévoir les phénomènes, tandis que les mécanistes veulent les expliquer. Pour Rey, l’énergétique ne peut être qu’un artifice d’exposition de la physique, une façon de mettre en ordre les connaissances acquises mais non une authentique théorie, avec une fonction heuristique : « Comme le démiurge des conceptions grecques, la théorie énergétique organise mais ne crée pas »32. La faculté créatrice appartient à l’imagination plutôt qu’à l’abstraction et suppose donc le recours aux images sensibles. L’énergétique est ainsi accusée de creuser la distance entre la physique expérimentale et la physique théorique. De plus, elle creuse un deuxième fossé entre l’ordre d’exposition et l’ordre de la découverte puisqu’elle entreprend de refonder toute la physique sur la base des deux principes de la thermodynamique beaucoup plus récents que ceux de la mécanique. En filigrane derrière ce reproche, se profile un autre débat contemporain sur l’enseignement scientifique déclenché par la réforme éducative de 1904. Le débat qui oppose les partisans de la mécanique rationnelle hostiles aux théories nouvelles aux partisans de l’atomisme, comme Langevin, se fige autour d’une opposition entre dogmatique, historique, l’histoire étant destinée à renverser la tradition, à suggérer une « science vivante, jeune et belle ».
41Ainsi d’après Rey, le conflit se joue entre énergétique et mécanisme et recouvre, d’une part, la dichotomie installée par Comte entre dogmatique et historique et, d’autre part, l’opposition du réalisme à l’instrumentalisme – alors illustrée par une autre controverse, en Allemagne, opposant Mach et Planck.
42Telle est l’interprétation généralement retenue par les historiens et philosophes. Elle permet de déterminer facilement qui sont les gagnants – les réalistes, atomistes, mécanistes – et Ostwald apparaît comme un grand perdant, un entêté un peu mégalomaniaque, qui s’accroche à des conceptions que toute la communauté scientifique jugeait déjà périmées au tournant du XXe siècle. C’est la vision que donnent les auteurs de l’article Ostwald dans le Dictionary of Scientific Biographies33.
43Or premièrement cette interprétation aplatit la controverse en la réduisant à sa dimension scientifique – sans égard pour la réflexion philosophique sur la théorie physique. Deuxièmement, même du point de vue strictement scientifique, cette vision manichéenne de la dispute constitue une simplification caricaturale qui peut être démentie par plusieurs considérations :
2) Critique de la conception de Rey
44Je voudrais démonter maintenant les liens trop vite noués entre choix d’une théorie scientifique et choix d’une philosophie, puis montrer que le choix scientifique lui-même ne se posait pas sous la forme d’une alternative.
45Choix théorique et choix philosophique :
46Dans une recension de la thèse de Rey, intitulée « La valeur de la théorie physique » Duhem dénonce la confusion entre le débat épistémologique sur la finalité de la théorie physique et le débat physicien sur le choix du mécanisme :
« Les théories physiques sont-elles de simples moyens d’agir sur la nature, ou bien, outre leur utilité pratique, devons-nous leur attribuer une valeur comme connaissance ? De grâce qu’on n’aille pas confondre ce problème avec cet autre : la physique doit-elle être mécaniste ? »34
47Pour démontrer l’indépendance des deux questions, Duhem rappelle que la physique aristotélicienne est réaliste bien qu’anti-mécaniste et qu’inversement Poincaré est instrumentaliste quoique plutôt favorable aux modèles mécanistes des Anglais. Duhem me semble pointer ici une question fondamentale qu’engage ce débat autour de l’énergétique : quel est le degré de solidarité entre un choix théorique et une philosophie des sciences. On a vu qu’Ostwald pensait qu’il y avait action-réaction avec un décalage dans le temps. Duhem suggère, quant à lui, une indépendance.
48Émile Meyerson souligne également la difficulté d’établir une alliance entre choix scientifique et option philosophique dans ses propos sur l’énergétique. Comme Duhem et contrairement à Rey, il est convaincu que l’énergétique est un réalisme : « l’énergie est à la fois la plus générale des substances et le plus général des accidents. Elle est la réalité tandis que la matière est une invention ».35 Meyerson m’apparaît comme le seul contemporain qui a aperçu la parenté la connivence philosophique entre énergétique et mécanisme. Dans De l’explication dans les sciences, en 1921, il parle de « la métaphysique énergétique » et souligne la dimension ontologique commune au mécanisme et à l’énergétique. Les deux doctrines illustrent sa thèse : le physicien a besoin d’une réalité détachée du moi, d’une ontologie36.
3) Énergétisme sans anti-atomisme
49L’attitude même d’Ostwald contredit le raccourci énergétique versus mécanisme, atomisme, réalisme. En effet, en 1906, il proclame son adhésion à la réalité des atomes, suite aux travaux de Perrin sur les solutions colloïdales qui offrent un analogon pour l’étude expérimentale du mouvement brownien. Cette « conversion » est rendue publique dans la préface de la quatrième édition de Grundiss der allgemeinen Chemie aen 1909, où Ostwald déclare « L’hypothèse atomique est ainsi élevée au rang de théorie scientifique bien fondée et peut prétendre à une place dans un traité conçu comme une introduction à l’état présent de notre savoir en chimie générale ». Ostwald a-t-il abandonné pour autant son rêve de tout subordonner au concept d’énergie ? Il persévère dans son programme d’extension de l’énergétique : il promulgue un impératif énergétique (Der energetische Imperativ, 1912), puis tente de construire une philosophie de la valeur fondée sur le principe de Carnot (Die Philosophie der Werte, 1913). Plutôt que de considérer cela comme un délire sans fondement scientifique ne doit-on pas s’interroger sur les liens de solidarité établis par Rey et, à sa suite, la plupart des historiens.
4) Une multiplicité d’options théoriques
50Les réactions de quelques physiciens et chimistes français invitent aussi à désolidariser les enjeux de la controverse. Quatre lectures seront ici évoquées et une exploration plus poussée en révélerait sans doute d’autres. L’article de 1895 suscite deux réponses dans les pages de la Revue générale des sciences.
a) Cornu, professeur à l’École polytechnique et vice-président de l’Académie des sciences défend la mécanique rationnelle. Il s’indigne qu’un savant professeur comme Ostwald déstabilise les notions claires et distinctes du public par des propos polémiques et défend « la conception cartésienne ». Il est évident pour lui que le son, la lumière, la chaleur, l’électricité, le magnétisme obéissent aux axiomes de la mécanique rationnelle mais Cornu se garde bien de défendre l’atomisme qu’il refuse obstinément d’introduire dans l’enseignement37.
b) Marcel Brillouin, professeur au Collège de France, intitule sa réplique « pour la matière ». Ce n’est pourtant ni une défense du mécanisme, ni une défense de l’atomisme38. Brillouin centre son argument sur le dilemme image ou abstraction, comme Duhem et c’est ce thème que reprend Ostwald dans une lettre de réponse39. Aussi bien Cornu que Brillouin soutiennent une vision mécanique de la lumière et s’opposent à une interprétation électromagnétique.
c) En revanche, en 1904, Langevin renvoie dos à dos le mécanisme et l’énergétique pour défendre l’atomisme. En s’appuyant sur la traduction récente de L’histoire de la mécanique de Mach, il fait le procès de la mécanique et souligne que cette synthèse est toute provisoire, et que la mécanique reste une connaissance très superficielle. Si les énergétistes font le procès de l’atomisme c’est, dit Langevin, parce qu’il y a eu une extension illégitime de la mécanique au monde des atomes. Loin de rejeter catégoriquement l’énergétique, Langevin semble épouser leur démarche. Tout comme Ostwald, et suivant l’exemple de Jean Perrin dans Les principes (1903), il expose une reconstruction la physique sur la base des deux principes de la thermodynamique, auquel il ajoute le principe de symétrie de Pierre Curie.
51Pour se faire une idée de latitude d’interprétations dans cette controverse (ou des contresens d’Abel Rey) rappelons que ce dernier définit sa problématique à travers un commentaire du livre de Perrin qu’il considère comme représentant du mécanisme parce qu’il fait appel à des expériences familières pour définir la notion de force. Au contraire, Langevin lit Les principes comme une tentative de reconstruction de la physique indépendante de la mécanique40.
52Toutefois, aux yeux de Langevin comme à ceux de Perrin, les principes de la thermodynamique sont nécessaires mais non suffisants. Ce n’est pas une synthèse fondée sur le concept d’énergie que Langevin veut mettre à la place de la mécanique mais une synthèse atomistique fondée sur les concepts d’éther et d’électron41. C’est donc de l’électromagnétisme que doit venir l’unification de la théorie physique.
« Une révolution de ce genre s’accomplit en ce moment : elle fait sortir les idées atomistiques de l’ombre dans laquelle on les laissait pour les mettre en contact avec des faits nouveaux et les faire passer du domaine des hypothèses à celui des principes, pour montrer qu’au delà de l’énergétique autre chose est nécessaire. »42
53Langevin suggère donc un paysage bien différent de celui de Rey : Énergétique et mécanisme se retrouvent – malgré leurs divergences – dans le même camp. Chacun à sa manière bloque le progrès des connaissances : l’énergétique en imposant, selon Langevin, un ignorabimus ; le mécanisme en s’enfermant dans l’illusion d’un savoir clos, achevé, définitif.
d) Urbain. Pour compliquer encore le tableau, j’évoquerai la réaction d’un chimiste : Georges Urbain. Certes c’est une réponse plus tardive, puisqu’elle date de 1921. Mais contrairement à Langevin, Urbain s’en tient à une conception classique de l’atomisme, fondée sur les lois stochiométriques de la chimie et indépendante de l’électron. Pour le chimiste, l’énergétique ce sont les « moles » ou molécules-grammes, unités de matière qu’Ostwald a inventées afin de rendre plus faciles les comparaisons entre divers composés chimiques, tandis que l’atomisme ce sont les molécules, des entités physiques semblables aux granules des solutions colloïdales de Perrin43. Urbain se veut conciliateur. À ses yeux, il n’y a pas d’antagonisme entre énergétique et atomisme. Les deux théories sont complémentaires et doivent se partager le territoire de la chimie. Urbain souligne la différence de perspective sur les réactions chimiques : l’énergétique considère uniquement l’extérieur du système – l’état initial et l’état final – et ne cherche pas à pénétrer sa constitution. Urbain souligne que la tâche est plus ardue pour l’atomiste que pour l’énergétiste ; et que « dans ces conditions, il est clair que c’est ce dernier qui court les moindres risques d’erreur »44. Georges Urbain rejoint donc par la voie des chimistes les grands partages épistémologiques instaurés par Abel Rey, entre théorie descriptive et théorie explicative. Toutefois le contraste n’est plus entre abstraction et image, car Urbain prête à chacun ses images favorites. « Le langage et les fins positives ne se distinguent pas : seules les images diffèrent. L’atomiste voit le monde en artiste, soucieux d’interpréter la nature. L’énergétiste le voit en ingénieur, soucieux d’en tirer profit »45. De plus si Urbain défend l’atomisme, c’est au nom d’une conception instrumentaliste, proche de celle de Mach et pas du tout au nom du réalisme de la science :
« La théorie atomique actuelle, comme toutes les bonnes théories physiques, économise notre pensée et soulage notre mémoire. Elle est utile parce que ses images synthétisent un nombre considérable de rapports entre qualités sensibles. Elle est utile parce que le langage que suggèrent ces images est clair et s’adapte aux faits avec une précision suffisante. »46
54On voit donc que le tableau dressé par Abel Rey ne résiste pas à l’analyse. Il n’y eut jamais en France un camp mécaniste, atomiste, et réaliste opposé à un camp énergétiste, positiviste, idéaliste, ou instrumentaliste. Pourtant c’est en ces termes que la controverse fut perçue et continue d’être décrite. J’ai tenté de montrer que cette vision manichéenne résulte d’une interférence avec deux autres débats contemporains en France sur la faillite de la science – qui met au premier plan la valeur de la science et de la théorie physique en particulier, ainsi que par un autre débat contemporain sur l’enseignement scientifique qui met au premier plan l’histoire comme instrument contre le dogmatisme.
55S’il vaut la peine d’exhumer la diversité des réactions à l’énergétique d’Ostwald et de défaire l’interprétation standard inspirée d’Abel Rey, ce n’est pas pour dégager les arguments scientifiques de la gangue idéologique dans laquelle ils sont prisonniers. À mes yeux, en effet, ils sont inséparables du milieu où ils furent pensés, et ne sont jamais épurés de choix normatifs et de valeurs. Ce n’est pas davantage avec l’intention de suggérer un fossé entre le point de vue superficiel du philosophe – Abel Rey – et la subtilité des positions scientifiques. Cette étude de cas démontre, en effet, que les scientifiques de cette époque philosophent autant que les philosophes de métier. J’ai tenu à défaire la solidarité entre mécanisme, atomisme, et réalisme pour deux raisons. D’une part, elle présuppose qu’un choix théorique implique nécessairement un choix philosophique. Or il me semble que cette liaison organique, considérée comme naturelle, reste à démontrer. Elle se fonde sur une vague idée de weltanschauung et méconnaît la part de création personnelle de chaque scientifique engagé dans une situation de controverse.
56De plus, cette révision est nécessaire pour remettre en question la vision d’Ostwald comme perdant. On a vu que même si elle est critiquée la théorie d’Ostwald interpelle les physiciens et les chimistes français, qu’ils soient atomistes ou non, réalistes ou non. Elle oriente leur travail de manière décisive : non seulement elle encourage les efforts de reconstruction logique de la théorie physique sur la base de principes fondamentaux, mais en outre elle stimule les efforts d’unification.
57Enfin il faudrait compléter cette révision par une étude comparée de la controverse en milieu français et en Allemagne. En particulier, il faudrait voir dans quelle mesure le débat qui oppose Max Planck et Ernst Mach n’a pas « déteint » sur la controverse entre énergétique et atomisme.
Notes de bas de page
1 Lehrbuch der allgemeinen Chemie (2 vol., 1885-87) et Grundiss der allgemeinen Chemie (1889)
2 Cet article et les réponses qu’il suscite est reproduit in B. Bensaude-Vincent et C. Kounelis, Les atomes. Une anthologie historique, Paris, Presses Pocket, Agora, 1991, p. 207-238. Un autre article intitulé « L’Énergétique moderne », paru dans la Revue scientifique, est publié en appendice de la traduction de L’évolution d’une science : la chimie (Paris, Flammarion, 1909) p. 305-350.
3 Pour un aperçu de la controverse en Allemagne voir Erwin Hiebert, « The Energetics Controversy and the New Thermodynamics » in Duane H. D. Roller, ed. Perspectives in the History of Science and Technology (Norman, Okla. 1971), p. 67-86.
4 Ostwald, « La déroute de l’atomisme », in Les atomes, p. 211.
5 Ibid., p. 221-22.
6 L’« Énergétique moderne », Appendice à L’évolution d’une science, op. cit., supra, p. 314-315.
7 Dans sa Faraday Lecture en 1904, Ostwald entreprend de déduire les lois stochiométriques (lois des proportions définies et multiples) et les définitions d’un élément et d’un composé chimique à partir de la loi des phases de Gibbs. Ostwald, Faraday Lecture, Journal of the Chemical Society, 85 (1904), 506-522.
8 Ostwald, « L’énergétique moderne », op. cit., p. 308-309, ibid., p.
9 Erwin N. Hiebert, Hans-Günther Körber, article Ostwald in F. L. Holmes (ed) Supplement to the Dictionary of Scientific Biographies, vol. ?? p. 455-469, cit., p. 463.
10 Ainsi, à l’époque où il lance une attaque contre le matérialisme scientifique, Ostwald rédige une monumentale histoire de l’électrochimie, puis une histoire de la chimie, et une histoire de l’énergie Ostwald, Elektrochemie. Ihre Geschicte und ihre Lehre (Leipzig 1896, 2 vol.). Leitlinen der Chemie (Leipzig, 1906) traduction française de la deuxième édition Der Werdegang einer Wissenschaft (Leipzig, 1908), L’évolution d’une science, la chimie, Paris Flammarion, 1909. L’énergie (Paris, Alcan, 1910)
11 Ostwald « La déroute de l’atomisme contemporain », op. cit., p. 212-213.
12 C’est pourquoi Ostwald réouvre une question fondamentale, archaïque et que l’on croyait pour toujours résolue : est-ce que les éléments se conservent dans une réaction chimique ? « Sous l’empire de cette théorie (le matérialisme scientifique), on admit contrairement à toute évidence, que la matière, subissant une réaction chimique, ne disparaît pas pour faire place à une autre, douée de propriétés différentes. Bien plus cette façon de voir contraignit à admettre que, dans l’oxyde de fer, par exemple, le fer et l’oxygène existent encore, quoique toutes leurs propriétés aient disparu : ils ont seulement acquis des propriétés nouvelles. Il nous est aujourd’hui difficile de sentir l’étrangeté, l’absurdité même d’une pareille conception, tellement nous y sommes accoutumés. Réfléchissons un peu cependant : tout ce que nous pouvons connaître d’une substance définie, ce sont ses propriétés. N’est-ce donc pas un non sens ou peu s’en faut de prétendre qu’une substance existe encore sans plus posséder aucune de ses propriétés ? » (« La déroute de l’atomisme contemporain », p. 211-212).
13 Ibid., p. 220-221.
14 Voir Ostwald « l’Énergétique moderne », op. cit., p. 329.
15 Ibid., p. 219.
16 Ibid., p. 216.
17 Ibid., p. 326.
18 W. James, Pragmatism, a New name for old Ways of Thinking, Popular Lectures on Philosophy (1906) Longmans Green & Co, New York 2e ed 1925 ; James cite un texte d’Ostwald sur la tautomérie pour illustrer son critère d’identification des disputes purement verbales : quelle différence cela fait si A est vrai et B est faux (p. 45-49).
19 Ostwald, L’énergie, traduction Philippi, Paris, Alcan, 1910.
20 « L’énergétique moderne », op. cit., p. 343.
21 Ibid., p. 349.
22 L’énergétique moderne, op. cit., p. 347.
23 L’énergétique moderne, op. cit., p. 348.
24 Paul Langevin, « L’esprit de l’enseignement scientifique », Conférence du musée pédagogique le 18 février 1904, in L’enseignement des mathématiques et des sciences physiques (Paris, Imprimerie nationale, 1904) p. 73-105, op. cit., p. 82.
25 Paul, Harry W., « The debate over the bankruptcy of science », French Historical Studies, 5 (1968), 416-450.
26 Marcel Brillouin « Pour la matière », réponse à Ostwald in B. Bensaude-C. Kounelis, Les atomes, une anthologie historique, op. cit., p. 228.
27 Abel Rey, La théorie de la physique chez les physiciens contemporains, Paris, Félix Alcan, 1907. Duhem publie une recension de ce livre « La valeur de la théorie physique » dans la Revue générales des sciences pures et appliquées, 19, 15 janvier 1908, p. 7-19, reproduite dans La théorie physique, op. cit., p. 473-509.
28 Je remercie Anastasios Brenner d’avoir rappelé à mon attention ce passage. Et de préciser également que Ostwald est moins réticent à l’égard de Duhem puisqu’il a traduit plusieurs de ses mémoires et donnée quelques recensions de ses livres. Voir aussi A. Brenner, Duhem, science, réalité et apparence (Paris, Vrin, 1991), pp. 84-86.
29 Il le cite p. 481, 506.
30 Pierre Duhem, La théorie physique, son objet, sa structure ; reprint de la seconde édition (1914, Paris, Vrin, 1981), p. 75-76.
31 Abel Rey, L’énergétique et le mécanisme au point de vue des conditions de la connaissance, (Paris, Félix Alcan, 1908).
32 Ibid., p. 112.
33 « By the turn of the century, Ostwald’s position on atomism and energetics was relatively obsolete among physicists and chemists. Scientists and philosophers alike – idealists and materialists – thoroughly opposed his energetics and rejected his suggestion that the concept of matter (conceived by Ostwald as the concept of substance) be subordinated to the concept of energy ». Erwin N. Hiebert, Hans-Günther Körber, article Ostwald op. cit., supra., p. 464.
34 Duhem « la valeur de la théorie physique » in La théorie physique, op. cit., p. 484.
35 Émile Meyerson, Identité et réalité, Paris, Alcan 1908) p. 396-97.
36 E. Meyerson, De l’explication dans les sciences (paris, 1921) réédition Paris, fayard, Corpus des œuvres philosophiques en langue française, p. 635-639.
37 Cornu in B. Bensaude-Vincent et C. Kounelis, Les atomes, une anthologie historique, op. cit., p. 223-227.
38 Marcel Brillouin, ibid., p. 228-233.
39 Ostwald, ibid., p. 233-238.
40 Voir Paul Langevin, « L’esprit de l’enseignement scientifique », op. cit., p. 78.
41 Langevin expose cette synthèse au Congrès international de physique de Saint Louis en 1904 sous le titre « Physique des électrons ».
42 Langevin, « L’esprit de l’enseignement scientifique », op. cit., p. 82.
43 Sur la définition de la mole par Ostwald voir Christiane Chabas Buès, Histoire du concept de mole (1869-1969), Thèse de l’université de Paris X, 1998, p. 200-208.
44 Georges Urbain, Les disciplines d’une science, (Paris, Librairie Octave Doin, 1921), p. 163.
45 Ibid., p. 162.
46 Ibid., p. 70.
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