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Mundial 78: le grand marchandage du tirage

Le tirage au sort des groupes de la phase finale de la Coupe du monde 1978 de football a donné lieu à d’intenses tractations pendant les jours qui ont précédé la cérémonie, le 14 janvier 1978 à Buenos Aires. Les lecteurs de « L’Equipe » et de « France-Football » ont pu en suivre les péripéties au jour le jour.

  • Dans la coulisse, le match commence

« France-Football » du 10 janvier: L’éditorial de Jacques Ferran est titré: « La part du hasard et celle des hommes« . On lit que, contrairement aux éditions précédentes, les crtières géogprahiques ne permettent pas un découpage logique. Plusieurs simulations circulent déjà. L’une d’elles met la France dans un groupe avec le Brésil, la Hongrie et la Tunisie. Ferran écrit: « il y aura d’âpres et dures discussions (…) pour décider sur quelles bases sera effectué ce tirage. » Il révèle que l’Argentine sera la tête de série du groupe A, la RFA du groupe B, le Brésil du groupe C (c’est la première fois qu’une équipe qui n’est ni tenante du titre, ni organisatrice du tournoi, est tête de série). La lutte a commencé entre l’Italie et les Pays-Bas pour l’obtention de la quatrième tête de série. Ferran annonce que les deux équipes pourraient être placées d’office dans le groupe D. Le président de la commission d’organisation, l’Allemand Hermann Neuberger, proposerait comme têtes de série les demi-finalistes de 1974: la Pologne (groupe I, celui de l’Argentine), le Brésil (II), la RFA (III), les Pays-Bas (IV). Ferran conclut: « Souhaitons que l’équité sportive l’emporte et que la Coupe du monde ne soit pas suspecte de combinaisons déshonorantes.« 

  • Havelange pour l’Italie, Neuberger pour les Pays-Bas

« L’Equipe » du 12, jour de réunion de la commission d’organisation. Jacques Ferran reprend les arguments du mardi précédent. On apprend que, selon l’Agence France Presse, Joao Havelange, le président de la FIFA, milite en faveur de l’Italie, alors que Neuberger soutient les Pays-Bas. Le dirigeant allemand préparerait des chapeaux qui permettraient à l’Argentine d’éviter de rencontrer les plus fortes équipes européennes.

  • Cinq heures de discussions

« L’Equipe » du 13 révèle que cinq heures de discussions ont été nécessaires au comité d’organisation pour mettre au point les modalités du tirage. A l’issue de la réunion, les responsables annoncent que les décisions ont été prises « dans un esprit sportif et en tenant compte des nécessités économiques et géographiques. » Le résultat de ces conciliabules est le suivant:

Têtes de série: Argentine (groupe I), RFA (II), Brésil (III), Pays-Bas (IV). L’Italie obtient en contrepartie de son désistement d’être placée dans le groupe de l’Argentine, avec deux matches à Mar del Plata, où résident de nombreux Italiens. Pour le reste, on apprend que: l’Ecosse, l’Espagne et la Pologne seront réparties par tirage dans les groupes II, III et IV; le Pérou et le Mexique dans les groupes II ou IV; la Hongrie et la Suède dans le I ou III; les « petits (Iran, Tunisie, Autriche et France) tirés au sort dans chaque groupe.

« L’Equipe » du 14, matin du tirage, fait le bilan de la semaine. L’envoyé spécial souligne « l’avantage énorme que se sont octroyé, sans en avoir l’air, les finalistes de 1974, allemands et hollandais. Non seulement, ils sont sûrs d’avoir dans leur groupe le Pérou ou le Mexique, largement à leur portée, mais ils peuvent également  »accueillir » la Tunisie ou l’Iran, qui ne le sont pas moins. Imaginez que l’on ait un groupe composé de l’Ecosse, de l’Allemagne, du Pérou et de la Tunisie, ils auront bonne mine, alors, ceux qui, à la FIFA, prétendent qu’ils ont fait en sorte qu’on ait des poules équilibrées. »

Le 14 janvier, devant les télévisions du monde entier, les quatre groupes suivants sont « tirés au sort »:

groupe I: Argentine, France, Hongrie, Italie;

groupe II: RFA, Mexique, Pologne, Tunisie;

groupe III: Autriche, Brésil, Espagne, Suède;

groupe IV: Ecosse, Iran, Pays-Bas, Pérou.

  • Tout ne se passera pas comme prévu

Conclusion de Jacques Ferran, dans « L’Equipe » du 16 janvier: « Les deux principaux bénéficiaires de l’opération sont, comme on s’y attendait, ceux qui l’ont manigancée, l’Allemagne fédérale et la Hollande. Les deux finalistes de 1974 accèderont au deuxième tour sur un chemin de roses. Et j’imagine que Hermann Neuberger, qui disait sa satisfaction après le tirage au sort, devait penser que la mariée était presque trop belle et qu’il eût mieux valu, pour sa propre gloire, que le sort se montrât un peu moins favorable. »

Mais sur le terrain, tout ne se passera pas comme prévu dans la coulisse. Les qualifiés seront:

groupe I: 1. Italie, 2. Argentine (et non l’inverse); groupe II: 1. Pologne, 2. RFA (et non l’inverse); groupe III: 1. Autriche (!), 2. Brésil (!!), et ni l’Espagne, ni la Suède; groupe IV: 1. Pérou, 2. Pays-Bas (et non l’inverse)…

Didier Braun