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"J’ai été agent de la révolution iranienne" - Eva Darlan

Eva Darlan
Eva Darlan © PASCAL POTIER/VISUAL
Propos recueillis par Florence Saugues

Je suis née militante, révoltée par les inégalités et les injustices. Dans les années 1970, je suis jeune et j’ai comme compagnon un sociologue iranien. Quand on me demande d’« aider à la révolution », je n’hésite pas.

Mes liens avec les hommes qui préparent la révolution depuis la France se sont tissés par relations, presque par hasard. Je fréquente alors la Maison de l’Iran à Paris. Nous parlons avec les étudiants et les intellectuels de la dictature que le shah impose à son peuple avec la redoutée Savak, la police politique. Je me passionne pour la cause. Je sers de secrétaire, j’aide à préparer les discours et les conférences de ceux qui sont les bras droits de Khomeyni , alors à Neauphle-le-Château. Je demande à rencontrer l’ayatollah à plusieurs reprises, sans succès.

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C’est également un moment de ma vie où j’ai trop faim comme actrice. Donc, pour manger, je passe le concours ­d’hôtesse de l’air et le deviens pour Air Inter. Un jour, on me propose d’utiliser mes billets GP (gratuité partielle, réservée au personnel) pour aller à Téhéran, dans le but de passer des documents aux activistes à l’intérieur du pays. J’accepte ! Je vais faire plusieurs allers-retours. A chaque voyage, lorsque j’arrive à la douane, j’ai une espèce de tétanie dans la moelle. Les valises sont distribuées sur un tapis roulant. Un homme en uniforme est là qui observe les bagages et trace un trait sur ceux qu’il juge suspects. Tout sac marqué est ouvert et inspecté. Heureusement, les miens échappent toujours à la fouille.

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"En 1979, la révolution transforme l’Iran en République islamique. Mes amis, qui y ont participé, se sentent trahis"

Au moment de livrer mon paquet, je dois suivre un parcours très calculé. J’effectue une course-poursuite dans les ruelles du bazar. Je change de direction, traverse des cours et des couloirs. Malgré mes yeux verts et mon 1,72 mètre, je passe inaperçue sous mon voile, sauf pour certaines femmes. Je les vois se pousser du coude sur mon passage. Les rencontres se font toujours dans des lieux publics, des grandes places. Mes interlocuteurs sont des avocats. Ils craignent d’être surveillés, d’avoir des micros chez eux.
Malgré le danger, je n’ai pas peur. Je me sens glorieuse. Je pense œuvrer pour la justice. Malheureusement, ce qui arrive ensuite est effroyable ! En 1979, la révolution transforme l’Iran en République islamique. Mes amis, qui y ont participé, se sentent trahis. Leur révolte leur est confisquée. Beaucoup vont le payer de leur vie. Et moi, je réalise que j’ai été manipulée. Et un sentiment amer m’étreint encore aujourd’hui. Si j’avais su !

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