ENJEUX

LE « TOTALITARISME » À L'ÉPREUVE DE LA RÉSISTANCE CIVILE (1939-1989)

Jacques Sémelin

« On ne saurait accepter l'idée que le cours meurtrier de l'histoire est irrémédiable et que l'esprit confiant en lui-même ne peut influer sur la force la plus puissante du monde. L'expérience des dernières générations me convainc pleinement que seule l'inflexibilité de l'esprit humain, fermement dressé sur le fond mouvant des violences, et prêt au sacrifice et à la mort, en proclamant "pas un pas de plus", seule cette inflexibilité de l'esprit assure la véritable défense de la paix de l'individu, de la paix de tous et de toute l'humanité. »

Alexandre Soljénitsyne

« Totalitarisme », « révolutions antitotalitaires », « refus de l'oppression », « dissidence », « résistance civile »: autant de termes, anciens ou nouveaux, que la bascule du siècle à « l'Est » en 1989 nous oblige à revisiter, de 1939 à 1980, en passant par 1956. Jacques Sémelin entreprend ici cet indispensable travail de réflexion.

Les événements de 1989 en Europe centrale obligent à repenser l'histoire du 20e siècle. Comme l'a noté Paul Ricceur, « l'historien du temps présent est bien placé pour ré-écrire ce qui a été mal écrit; ce qui paraît possible après 1989. À cet égard, la tâche de l'historien est de

dé-fataliser le passé et de ré-ouvrir les options qui avaient été celles des hommes d'autrefois » (Ricceur, 1992)*. Si 1989 est bel et bien l'une des années-charnières du siècle, ce travail de ré-écriture suppose en premier lieu l'interprétation en profondeur de ces modes d'opposition collective pacifique qui ont précipité la chute des régimes communistes de l'Europe centrale et surpris les observateurs par leur ampleur, leur originalité et leur étrangeté. François Furet a souligné le caractère énigmatique de ces révolutions qui n'ont pas fait couler de sang, si ce n'est en Rou-

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