Archives mensuelles : octobre 2012

Diouf : « Friedel est meilleur »

Lors de ma rencontre avec El-Hadji Diouf (interview dans l’équipe du vendredi 19 octobre), nous avions évoqué le cas de Hugo Lloris. L’avis du Sénégalais est très intéressant. Vous pouvez ne pas être d’accord mais il a le mérite d’être clair et de donner des arguments.

 

- Vous connaissez bien Brad Friedel. Que pensez-vous de la polémique entre lui et Hugo Lloris ?

– Lloris est un très grand gardien mais depuis 2002 Brad est au-dessus du lot. Il réalise 4 ou 5 arrêts décisifs par match. Lloris, personne ne le connaissait ici et je pense qu’ils l’ont mis devant le fait accompli. Car s’il avait su qu’il serait doublure, il n’aurait pas signé ici. Il a eu aussi un manque de bol car le jour où il a signé, Brad a fait un match phénoménal. Le débat dans la presse française m’énerve. Friedel est l’un des meilleurs du pays et mérite du respect de la part des Français qui ne le connaissent pas.

- Vous le pensez supérieur à Lloris ?

– Au moment où je vous parle, Brad est meilleur. Mais Hugo a le temps, l’avenir devant lui. Il faut qu’il accepte et apprenne de Friedel. A 40 ans, on dirait un jeune de 17 ans. Même à Liverpool quand il était numéro 3, il a toujours travaillé. Brad mérite sa place.

- Et il est apprécié dans le vestiaire ?

– Il est adoré car c’est un super mec avec une top mentalité. Mais en dehors de ça, il est avant tout bon. Il peut jouer encore 3 ans, il a le moral, la mentalité. Il a ramé pour être là et il ne va pas lâcher.

- On dit que Hugo Lloris est un peu léger. Doit-il prendre du poids ?

– Oui, Hugo va travailler. Moi j’étais maigre avant d’arriver en Angleterre mais je fais de la musculation tous les jours. Un gardien ici doit avoir de la présence physique, Hugo peut se faire bouffer. Les entraîneurs vont dire à leurs joueurs : « Rentrez-lui dedans. » Il ne va pas avoir de cadeaux. C’est certain. Mais il arrive dans un grand club. Je comprends : c’est dur d’être gardien de l’équipe de France et remplaçant en club. Mais il faut l’avaler et continuer sinon il va sombrer.

HERVE PENOT (twitter : hpenot_lequipe)

 

La CAN des surprises ?

 

Qui pour succéder à la Zambie ?

 

 

Le tirage au sort de la Coupe d’Afrique des Nations à Durban, mercredi soir, propose des des affiches alléchantes. Tour d’horizon de ces groupes (cliquez sur le lien pour connaître les dates)

 

GROUPE A

Afrique du Sud, Cap Vert, Angola, Maroc

L’organisateur a hérité d’un tirage favorable même si les Bafana-Bafana ne montrent plus rien depuis leur victoire contre la France en Coupe du monde 2010. L’avantage du terrain est utile dans le contexte africain et il ne faut pas oublier qu’en 1996, dans une période post apartheid, il avait permis aux disciples de Nelson Mandela de remporter le trophée. Ce n’est évidemment plus la même équipe mais elle possède les atouts pour passer au moins ce premier tour. Lucas Radebe (dont je vous livre un lien avec une superbe interview qu’il m’avait donnée) sur le site officiel de le CAF ne vise guère plus : « En 1996, nous avions une équipe stable. Nous étions ensemble depuis longtemps et la compétition a renforcé, au fur et à mesure, la puissance du groupe. Bien sûr nous jouons à la maison, c’est peut-être un avantage mais cela ne peut pas être suffisant. Honnêtement je ne nous vois pas renouveler la performance de 1996. L’objectif le plus raisonnable est de passer le premier tour. » Gordon Igesund, le sélectionneur, insiste sur ce point : «  Tous les tirages au sort auraient été difficiles et je pense que l’on s’en sort pas trop mal. A la fin lorsqu’il restait deux équipes à affecter, j’ai redouté que nous tombions sur le Nigeria. Nous avons eu l’Angola. C’est un tirage au sort assez bon pour nous, même si le Maroc est un des Grands d’Afrique.  » La nation à surveiller, à ses yeux, est donc le Maroc. Le victoire contre le Mozambique (4-0) en match retour des éliminatoires a redonné au groupe de Rachid Taoussi, successeur d’Eric Gerets, de nouvelles ambitions. Il croit fort en ses hommes. « On ne peut pas dire que notre groupe est facile. Mais le Maroc est de retour, et a bien l’intention de rester aux affaires.  » Ce sera dur pour l’Angola et le Cap Vert même si l’élimination du Cameroun ne peut pas être un simple hasard.

Mes favoris : Afrique du Sud et Maroc

 

GROUPE B

Ghana, RD Congo, Mali, Niger

Voilà un groupe très incertain. Menée par Claude Le Roy, septième CAN sous le manteau, une connaissance du jeu et des hommes immenses, la RD Congo offre un mélange intéressant de locaux, via le TP Mazembe, et d’expatriés. Le Roy tempère toutefois : «  Il y a deux favoris dans notre groupe, qui sont le Ghana et le Mali. Nous, on arrive derrière. Nous avons la connaissance de ces équipes mais est-ce que la connaissance suffira pour passer l’examen? Ce sera très intéressant..  » Un signe : Le Roy a toujours atteint les quarts de finale. Le Ghana, son ancienne équipe, apparaît comme le favori logique. Ses talents, sa performance en Afsud, il y a deux ans (quart de finale), lui donnent du crédit. Le Mali, troisième au Gabon, avec notamment le retour programmé de Djila Diarra a des atouts. Ce sera un bon test pour Patrice Carteron, l’ancien entraîneur de Dijon. Le Niger de Gernot Rohr aura peut-être des difficultés à s’extraire de ce quatuor. 

Mes favoris : Ghana et RD Congo.

 

GROUPE C

Zambie, Ethiopie, Burkina Faso, Nigeria

La Zambie a hérité d’un groupe à sa portée. L’Ethiopie revient de très loin et le Burkina Faso compile surtout les performances décevantes depuis des années. Il ne s’est qualifié qu’à la dernière seconde du temps additionnel contre la Centrafrique sur un but d’Alain Traoré. Le tenant du titre, passé lui aussi par un trou de souris lors des éliminatoires, n’a pas une marge phénoménale sur ses adversaires mais le succès à Libreville peut renforcer ses convictions. Hervé Renard, le sélectionneur : «  Nous sommes confiants. Le plus important est d’atteindre les quarts de finale. Nous sommes ici pour écrire l’histoire, nous l’avons fait en 2012, alors que personne n’aurait pu dire que la Zambie allait gagner le tournoi. Nous sommes restés une petite équipe, mais nous avons su aller très loin. Nous venons régulièrement en stage de préparation en Afrique du Sud, nous nous sentons presque chez nous.  » Ce sera une force supplémentaire. La question avec le Nigeria est assez simple : dans quel état d’esprit ses joueurs aborderont-ils cette compétition ? Stephen Keshi, le sélectionneur, rassure : «  C’est un bon groupe et nous devrons être prêts. Maintenant notre travail consiste à rentrer chez nous et à nous préparer stratégiquement ». Et psychologiquement surtout…

Mes favoris : La Zambie et le Nigeria.

 

GROUPE D

Côte d’Ivoire, Togo, Tunisie, Algérie

Le groupe de tous les dangers où le moindre faux pas pourrait se payer cash. Rarement le tirage n’avait proposé un tel regroupement d’équipes aux histoires enchevêtrées. Vahid Halilhodzic avait été viré de Côte d’Ivoire après l’élimination en quart de finale en Angola en 2010 contre… l’Algérie, sa formation actuelle. Il a une revanche à prendre contre les Eléphants. « C’est vraiment un tirage très difficile, admet coach Vahid. Retrouver la Côte d’Ivoire va être effectivement spécial… Etant pratiquement sûr qu’elle terminera première du groupe, il faut penser à la deuxième place, qualificative pour les quarts de finale et c’est en ce sens que le premier match face à la Tunisie sera important. Je pense même qu’il sera déterminant car le vainqueur aura de grandes chances de passer. » Le Togo n’est plus réapparu depuis son mitraillage à la CAN 2010 en Angola où elle était déjà dans le groupe de la Côte d’Ivoire. Adebayor est revenu et peut porter ses équipiers sur ses larges épaules. Pour Didier Six, c’est, en tout cas, un sacré baptême du feu. La Tunisie promène le profil type des armadas capables d’aller loin. Ces dernières années, les équipes localement structurées ont trusté les CAN (Tunisie, Egypte, Zambie) et en s’appuyant sur l’Espérance, les Aigles de Carthage ont un collectif performant. Sami Trabelsi, son sélectionneur, prévient : « Il faut admettre que nous avons hérité d’un groupe hyper difficile. Mais on ne va pas pleurnicher pour autant. Il faut bien s’y préparer afin de ne pas nourrir le moindre regret. Les derbys se suivent et se ressemblent. L’année dernière, au Gabon et en Guinée équatoriale, c’était le Maroc. Cette fois, ce sera l’Algérie. On va certainement assister à un derby serré et passionnant. Je  souhaite que les deux pays voisins se qualifient ensemble pour les quarts de finale. Chaque adversaire a ses atouts, et il faudra rester concentré. Notre groupe est homogène et de qualité. Nous parviendrons à faire la différence et à aller loin dans la compétition. En fait, il ne faut rien exagérer ou se focaliser sur un adversaire quelconque. Certes, nos trois rivaux possèdent une solide tradition, et occupent une place privilégiée dans la hiérarchie africaine. Il s’agit de les respecter, sans les craindre. »  Même la Côte d’Ivoire qui vient avec la ferme intention de vaincre enfin pour la dernière de sa génération dorée. Sabri Lamouchi, d’origine… tunisienne, débute donc avec du lourd. «  C’est le groupe indiscutablement le plus difficile, dit-il. Tout le monde craignait de tomber avec nous, ce sont trois adversaires redoutables. La Côte d’Ivoire est favorite, elle l’était avant le tirage, elle l’est après. Elle devra le démontrer sur le terrain.  » Sur son affrontement contre son pays d’orgine, il souligne : « Ce sera très difficile. Ce sera spécial évidemment, j’aurais préféré les rencontrer le plus tard possible dans la compétition. Je les connais bien sûr, un peu mieux que d’autres.  » Je vous livre deux favoris tout en pensant que la Tunisie a de quoi créer la surprise.

Mes favoris : Côte d’Ivoire et Algérie.

HERVE PENOT (twitter : @hpenot_lequipe)

Mes pronos CAN

 

 

Avant les matches retours des éliminatoires CAN 2013, ce week-end, je vous livre mes impressions et mes pronostics sur les rendez-vous les plus indécis. Il s’agit d’un petit jeu. Vous pouvez me donner vos avis. On comparera.

Sénégal-Côte d’Ivoire : Je suis actuellement à Dakar et vous pourrez lire mes reportages dans l’Equipe ce week-end. Le Sénégal peut-il renverser la tendance devant son public (2-4) ? J’ai du mal à le croire. D’abord, je n’imagine pas les Ivoiriens rester muets ce qui obligera les Sénégalais à inscrire au moins trois buts. Faisable vu leur potentiel offensif, mais loin d’être une certitude. Joseph Koto, le sélectionneur, va devoir d’abord trouver un axe fiable et solide. Le retour de Lamine Sané, le Bordelais, blessé à l’aller, est une bonne nouvelle mais ce ne sera pas facile de construire sur du dur avec des garçons qui manquent de vécu commun. Quand à l’attaque, à première vue dévastatrice, il faut là encore trouver les complémentarités avec un paquet de joueurs attirés par l’axe (Demba Ba, Sow, Papiss Cissé, Ndoye…). La Côte d’Ivoire apparaît moins dominatrice qu’à une époque mais cela devrait suffire pour se qualifier. D’autant qu’elle ne se plante jamais en phase éliminatoire depuis des lustres. Mon pronostic : Côte d’Ivoire.

Algérie-Libye : Depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic, l’EN retrouve des repères. Elle compense son manque de talent pur (même si Feghouli, entre autres, possède un beau potentiel) par une organisation, un travail collectif cohérents. La victoire à l’aller à Casablanca contre la Libye (1-0) dans un contexte délétère promet un retour tendu à Blida. L’absence de Djebbour, suspendu deux matches suite aux incidents, ne changera rien à la donne. J’imagine mal les Libyens s’imposer en terre algérienne. Coach Vahid devrait alors découvrir une deuxième CAN. Lors de sa première, en Angola, il avait été battu avec la Côte d’Ivoire par… l’Algérie. Mon pronostic : Algérie.

 

Maroc-Mozambique : Le remaniement ministériel va-t-il permettre au Maroc de retrouver la lumière ? Rachid Taoussi, successeur d’Eric Gerets, n’a pas fait mystère de sa volonté d’insuffler un nouvel état d’esprit au groupe. Sa première sélection envoie un message clair : il ne retiendra que les titulaires (ou presque) en club et ceux qui se glisseront dans son moule. Chamakh doit comprendre qu’il lui faudra peut-être quitter Arsenal pour espérer revenir. Taarabt, Boussoufa ont été « retoqués » en raison de leur caractère, pas de leur niveau technique. Ils n’auraient pas été irréprochables, d’après les décideurs actuels évidemment. Eux aussi peuvent revenir dans cette équipe si elle se qualifie pour la CAN. Doté d’un élan, d’un souffle, le Maroc, qui s’appuiera sur des locaux (14 sur 26 appelés) dans la chaude ambiance de Marrakech, peut bousculer le Mozambique. Et renverser la situation. Mon pronostic : Maroc.

Cameroun-Cap Vert : Qui aurait imaginé un Cameroun tremblant avant d’affronter le Cap Vert ? Le retour d’Eto’o dans le sillage de Jean-Paul Akono, nommé sélectionneur, est une immense nouvelle pour les Lions indomptables. Dans un pays où le football est une religion –et ce n’est pas un cliché- il va prendre une grande partie de la pression sur ses épaules. Une qualification pour la CAN serait une immense victoire pour lui mais ses équipiers supporteront-ils la pression d’un duel aussi attendu ? Ce n’est pas une certitude tant le Cameroun s’enfonce au fil des années dans de médiocres résultats. Je crois que certains lionceaux peuvent même être tétanisés par l’enjeu d’où le rappel des grands anciens comme Womé, de retour dans le championnat du Cameroun, Mbami, ou encore Angbwa et Makoun… Les Lions ont toujours les moyens de sortir leur griffes. C’est l’occasion de le prouver. Mais ce ne sera pas si facile que ça face à des Requins bleus qui se sont préparés au Portugal. Le cœur me fait pencher pour le Cameroun. La raison… Mon pronostic : Cameroun.

Ouganda-Zambie : Les Zambiens ne comptent qu’un but d’avance (1-0), ce n’est pas grand chose à l’heure de fouler la pelouse de Kampala. Mais une sacrée bonne nouvelle de Suisse est venue ensoleiller le début de stage des hommes d’Hervé Renard : la FIFA leur a redonné les 3 points de leur match perdu au Soudan (qui avait aligné un suspendu). Avec six points et deux affrontements à venir contre le Lesotho, le champion d’Afrique a les atouts pour éliminer le Ghana et poursuivre sa route vers le Brésil. Et pour aller en Afsud ? Je pense que ce groupe n’a pas encore tout offert et que ce coup de pouce du destin pourrait le renforcer moralement. La Zambie monte en puissance. Mon pronostic : Zambie.

Togo-Gabon : J’ai été très surpris par le nul obtenu par le Togo au Gabon (1-1). Avec Adebayor, de retour en sélection et buteur à l’aller, tout change et cela pourrait se vérifier à domicile dans une ambiance parfois surréaliste comme l’avaient expérimenté les Maliens en 2007. Les Gabonais, qui se préparent à Cotonou, devront d’abord résister à cette pression populaire peu commune. Ont-ils les moyens de réussir ? Ce sera très dur pour eux même si Aubameyang associé à Cousin est une arme de destruction massive. Didier Six, sélectionneur du Togo, pourrait connaître pour ses débuts d’entraîneur un premier beau succès. Mon pronostic : Togo.

HERVE PENOT (twitter : @hpenot_lequipe)

Eto’o, ce héros

 

J’ai rencontré Samuel Eto’o pour la première fois dans un hôtel d’Accra, dans la cohue d’un hall surpeuplé, entre les marchands du temple et les supporters sparadraps. Il n’était alors qu’un enfant surdoué en quête de gloire, Lion indomptable dans tous les sens du terme. C’est dans la capitale ghanéenne, en Coupe d’Afrique des nations 2000, qu’Eto’o est sorti de l’ombre. Ses premières prises de balle m’ont subjugué, ses déplacements, son sens du jeu, du collectif, son intelligence et son charisme m’ont bluffé. Il fallait voir ce visage enfantin, ce petit sourire en coin qui semblait vous défier, qui semblait vous dire : «Regardez bien ce que je vais devenir…».

Douze ans se sont écoulés et le gamin poseur s’est mué en icône africaine. Il est devenu l’incarnation de la réussite sociale par le football, un héros continental. Son agenda demande maintenant une organisation minutieuse. Un jour au Gabon, où il a lancé un centre de formation, un autre en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, encore un à Milan ou à Barcelone, puis à Moscou et à, et à…. Il prend un jet comme d’autres le métro, lui qui s’était retrouvé sans papier en France ou perdu gare de Lyon avec son grand ami Essola sur un quai en partance pour ses rêves. Il n’a jamais regretté ces moments qui ont musclé sa personnalité, façonné sa force de caractère et dicté son parcours.

Son ego surdimensionné, cette volonté de réussir l’ont poussé à ne jamais s’endormir sur son talent, à ne jamais considérer ses victoires comme des aboutissements mais plutôt comme des points de départ vers d’autres conquêtes. Je revois encore Bernard Lacombe insister auprès de Jean-Michel Aulas à l’été 2003 lors de la Coupe des Confédérations pour récupérer le phénomène, me convoquer pour ajouter ma voix à la sienne devant le président. Eto’o a bien failli venir à Lyon, ça s’est joué à pas grand chose mais il n’était pas question pour le Camerounais de s’asseoir sur des détails financiers…

Les anciens me disaient qu’il n’écoutait pas assez les conseils mais il traçait sa route, conscient qu’un destin en 3D se profilait. Sans jamais oublier ses racines. Ses amis de galère, Sonor, Serge et les autres, sont restés à ses côtés, c’était leur promesse de départ comme on grave dans l’écorce du chêne centenaire ses amours de jeunesse. L’an passé, je suis allé le voir à Moscou. Quand tant de cassandres annonçaient la fin d’une belle histoire, lui répondait : «Je ne vais pas m’enterrer… » Il ne s’était pas trompé. Le voilà leader du championnat russe avec l’Anzhi et en Ligue Europa. Les critiques lui servent de moteur, elles ne le laissent jamais insensibles, encore aujourd’hui à 31 ans. En juin dernier à Yaoundé, lors du jubilé de Patrick Mboma, il m’a glissé sur un ton de reproche : «Tu vois, tous ceux qui avaient dit que je venais pour l’argent… » Ces combats le font avancer à sa manière. Prouver, toujours prouver. Se battre, toujours se battre quitte à irriter, à énerver. On ne peut pas comprendre les réactions d’Eto’o si on ne connaît pas son passé et son présent. Il s’est souvent considéré dévalorisé car Africain. «Si je m’appelais Etoodinho… » m’avait-il dit dans une interview en expliquant son manque de reconnaissance par ses origines. Pas faux. Devenir le footballeur le mieux payé du monde avait donc un sens profond sur son échelle des valeurs. C’était comme un aboutissement pour ce môme qui courait derrière Roger Milla pour obtenir l’autographe de son idole, pour ce môme qui se cotisait avec les copains du quartier pour manger les beignets à un coin de rue…

La semaine passée, le premier ministre du Cameroun l’a reçu officiellement pour lui demander de revenir en sélection nationale. Il se murmure que Paul Biya, le président, a fait passer un message : Eto’o devait aider son pays à se qualifier pour la CAN 2013. La star a accepté et il est de nouveau en position de force. Magnifique destin. Une qualification contre le Cap Vert rehausserait encore son aura. Je suis heureux de son retour. Il est, à mes yeux, le plus grand joueur de l’histoire du continent. Une dernière anecdote : un jour, il m’avait expliqué qu’au Real, à ses débuts, son but était de s’asseoir sur le banc de touche juste à côté de Nicolas Anelka. Il voulait simplement passer à la télé, être reconnu. Eto’o n’en a vraiment plus besoin…

 HERVE PENOT (twitter : hpenot_lequipe)