Archives mensuelles : octobre 2013

Par chaos

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Que trente des meilleurs joueurs français soient convoqués par le staff tricolore pendant trois jours à Marcoussis pour préparer, cette semaine, les trois tests à venir du Quinze de France en novembre face à la Nouvelle-Zélande, les Tonga et l’Afrique du sud, et voilà que les entraîneurs du Championnat hurlent au scandale. Comme s’il n’y avait que le Top 14 qui vaille.

Que le comité directeur de la Ligue Nationale de Rugby décide de relever le nombre de JIFF sur la feuille de match, la saison prochaine, vous savez ce quota qui indique qu’il faut quand même que des joueurs issus de la formation française disputent le Championnat de leur pays, et voilà que les présidents du Top 14 décident de se désolidariser de l’homme qu’ils ont élu, à savoir Paul Goze. Comme s’il n’y avait que le recrutement à l’étranger qui vaille.

Que l’ERC fasse un pas en avant et tende la main aux frondeurs (la LNR et le Premiership) pour que vive la Coupe d’Europe dans l’intérêt de tous en acceptant la qualification au mérite sportif et une meilleure redistribution des bénéfices, et voilà que les présidents des deux Ligues, l’Anglaise et la Française, continuent de vouloir tout diriger au mépris du règlement de l’IRB. Comme s’il n’y avait que le pognon et le pouvoir qui vaillent.

Qu’un joueur de rugby international de haute volée, disons Mike Phillips, un mec qui a battu l’Australie chez elle dans une série de test-matches – ce que la France n’est jamais parvenue à réaliser soit dit en passant – soit viré de son club, l’Aviron, parce qu’il est arrivé éméché à une séance vidéo sans grand intérêt avant une rencontre de Challenge européen dont il aurait dû être exempté, quand toute une ville, Bayonne, est aussi connue pour ses fêtes et ses libations, a de quoi interpeller. Comme si un joueur de rugby ne pouvait plus prendre une bonne murge.

Un chaos secoue le rugby français, celui de la FFR et celui de la LNR. Les dirigeants, dont on attend qu’ils tracent un cap et s’y tiennent, ne fonctionnent qu’en regardant là où se trouve leur propre intérêt, et si celui-ci oscille et varie, alors il en sera de même pour leurs engagements. Coupe d’Europe, JIFF, convention LNR-FFR, rien n’est signé… Dans cette vilaine cuisine, seuls les joueurs semblent garder leur rang. Même s’ils ne jouent pas toujours très bien, ni avec beaucoup d’ardeur.

Quelqu’un a-t-il une bonne nouvelle à nous faire partager ?

Du même club

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Je n’ai jamais trouvé mieux qu’un club-house pour vivre le rugby. Le terrain c’est bien mais on passe trop de temps à regarder la vidéo, ces derniers temps. Surtout pour découvrir qu’on connait le scenario, qu’il est sans surprise et que l’essai aurait dû être accordé immédiatement sans passer par la case magnéto. Cette innovation, si j’en crois certains joueurs qui s’en sont ouvert «off the record» est comme l’écran : elle tombe souvent à plat.

Au moins là on peut refaire le match avec de meilleures images, c’est-à-dire celles que l’on garde présentes à l’esprit et dont la qualité, c’est notable, s’améliore au fil du temps, parallèle avec le bon vin, ce qui nous permet d’enchaîner avec le fait que dans un club-house qui se respecte, il y a toujours un pilier de bar qui a joué avec les légendes du cru, – toujours bon, le cru – et même avec votre père.

Dans un club-house nous sommes entre nous, un peu comme ici sur ce blog qui ne ferme jamais. Pas besoin de développer le propos, de l’illustrer, d’y mettre des sous-titres, nous nous comprenons à demi-mots, partageons les mêmes définitions de ce que signifient «valeur», «marron», «trou» et «Pink Floyd», surtout avec ceux qui ne savent pas que Nick Mason a disputé plusieurs fois les 24 heures du Mans.

Alors qu’elle ne fut pas ma joie de recevoir, en avant-première,l’ouvrage de nos amis bloggeurs Antoine Aymond, Frédéric Humbert et Nemer Habib intitulé «Rugby Clubs de France», florilège d’anecdotes et de photos inédites, érudition discrète et parti pris assumé. Un gros bouquin large comme un ballon, épais comme une baffe de Palmié, tendre comme un souvenir d’enfance.

Dans sa préface, coup d’envoi majuscule, un certain Pierre Albaladejo parle des valeurs éthiques et éducatives de ce jeu, et chacune de ses lignes, comme une passe, vaut pour la justesse, la pertinence et la précision. Il y parle de lui comme jamais je ne l’ai lu et ça n’a pas l’air d’être à la première personne tant le propos touche à l’universel. C’est notre esprit qu’il ouvre, Bala, et pas seulement cet ouvrage.

Quarante-quatre clubs racontés comme si nous étions au club-house, maillots d’époque sous verre, cartes postales pour timbrés, trophées sur l’étagère et bière à volonté. Et puis il y a les équipes-types. Là, je me suis pris au jeu. J’ai pourtant l’habitude d’en composer, le lundi, sur L’Equipe.fr… Je sais ce qu’il faut de mauvaise foi et de subjectivité pour irriter le chaland. Et bien j’ai craqué à mon tour, j’ai cherché Pierre Villepreux et André Brouat, Jonny Wilkinson et Jérôme Bianchi. Mais j’ai trouvé Jacky Adole, Philippe Guillard et Hervé Tilhac.

Je vais lui offrir ce livre, d’ailleurs, à Jacky Adole. Nous avons rendez-vous la semaine prochaine à Limeuil, là où la Vézère et la Dordogne se rejoignent, pour parler – ça va durer longtemps – rugby, champignons et littérature. Aussi de Périgueux, de Carcassonne et de La Rochelle, trois clubs chers à son cœur ovale. Parce qu’il y a toujours un écusson, la couleur d’un maillot ou une composition d’équipe pour nous ramener au jeu de notre enfance. Moi, j’avais douze ans, c’est en jaune et noir, à Marcel-Deflandre, sous la pluie face à Toulon à la fin de l’automne 1971. Et vous ?

De l’appétit

565594_martin_112Vu le stress accumulé par les locataires du Top 14 depuis la mi-août, la première journée européenne risque d’être un peu molle du genou. Neuf matches de Championnat à flux tendu usent les organismes. L’occasion de faire tourner l’effectif. Et se souvenir que joueurs et entraîneurs suent depuis le début juillet. En ProD2, c’est break tous les cinq matches mais pour l’élite du rugby français, les travaux d’Hercule ne vont pas par paquet de neuf ni de douze, ou alors il faut compter en mois. Rugby non-stop.

Du coup, ça nivelle. Treize clubs serrés en onze points après neuf journées, du jamais vu en Top 14. Impossible de détacher un club du haut. Les tendances sont légères. Toulon, Toulouse et Montpellier avancent au coude à coude. Derrière ce trio un groupe compact. Unique décrochage au cul de ce pack, Oyonnax, douzième, avec trois points de retard sur Castres pour une histoire de bonus, les deux clubs comptant le même nombre de victoires, quatre.

Une seule tendance lourde se dessine. Pour l’apercevoir, il est nécessaire de regarder penché, quand l’amer se retire à marée basque. Bayonne et Biarritz tombent en position de relégables. Trois succès pour l’Aviron, seulement un pour l’Olympique. A eux deux, juste de quoi éviter la misère, et encore… Les cousins de la Côte ont de la chance dans leur malheur : heureusement qu’il existe le bonus défensif, sinon ils seraient enterrés encore plus profond.

On disait plus haut que le CO comptait quatre victoires. Bien maigre pour un champion de France en titre. J’aurais plutôt tendance à écrire cinq défaites. Comme Bordeaux et Oyonnax. Mais ces deux clubs-là n’ont pas de standing à défendre ou à honorer, selon. Il faut croire que le bouclier de Brennus est lourd quand il s’agit de le porter à bout de bras. Clermont en son temps, sacré, a mis deux saisons avant de retrouver de l’élan. On le voit  bien, c’est humain, Castres vivote sur son acquis. Ce qui met en lumière, s’il en était besoin, la performance du Stade Toulousain, carnassier, sur trois décennies : trois titres entre 1985 et 1989, six entre 1994 et 2001, puis encore trois autres entre 2008 et 2012.

La table des prétendants aux six premières places qualificatives pour la phase finale et l’Europe – encore que de ce côté-là l’avenir soit très flou – est bien garnie. Du coup, c’est en cuisine qu’il faut aller chercher les révélations. Christophe Urios, coach en chef d’Oyonnax, a gagné sa première étoile. Tout comme Philippe Carbonneau, à Brive. Deux personnages hors normes qui ne mâchent pas leurs mots pour concocter un rugby à la fois subtil, tactiquement, et roboratif à l’impact, leurs adversaires peuvent en témoigner.

P.S. : Dans un Championnat constellé d’étoiles du Sud, l’humilité paye. Les joueurs qui ont brillé jusqu’à présent étaient en début de saison dans l’anonymat. Aujourd’hui, à l’heure du bilan, on apprécie – pour tout ce que ça représente – qu’ils puissent composer l’appétissante équipe type des neuf premières journées : Bonneval (Paris) – Tian (Oyonnax), Combezou (Montpellier), Aguillon (Oyonnax), Garvey (Castres) – (o) Urdapilleta (Oyonnax), (m) Pélissié (Montpellier) – Y. Camara (Toulouse), Koyamaibole (Brive), Purll (Perpignan) – Flanquart (Paris), Le Devedec (Brive) – Edwards (Grenoble), Ribes (Brive), Chiocci (Toulon).