The Wayback Machine - https://web.archive.org/web/20151027052241/http://www.lequipe.fr:80/explore/golf-l-ennemi-interieur/
  EN COURS DE CHARGEMENT
 

Un putt de rien du tout. Presque une formalité. Nous sommes au dernier trou du British Open 1970 et Doug Sanders est à soixante centimètres de la plus belle victoire de sa carrière.
Autour de lui, les spectateurs sont sûrs du dénouement. Mais les secondes passent et le drame se noue. L’Américain reste pétrifié de longs moments au-dessus de la balle, balaie une mouche imaginaire avant de se figer. Il finit par pousser la balle sans conviction, balle qui ne verra jamais le trou, bien entendu. Le British vient de lui échapper (Jack Nicklaus le battra le lendemain en play-off). Doug Sanders n’aura plus jamais l’occasion de gagner un Majeur.

Ça donnerait presque envie d’en rire, sauf que tous les golfeurs du monde savent que c’est à pleurer… Il s’agit pourtant d’un geste simplissime, que Sanders a réussi des milliers de fois sans réfléchir : en compétition, à l’entraînement, les yeux fermés, de dos, presque en soufflant dessus, même. Mais à cet instant, il vient de vivre ce que tous les grands ont un jour connu ou connaîtront : l’angoisse du plus petit des ratés, l’explosion nucléaire dans le cerveau juste avant l’impact.

Si vous êtes golfeur, vous savez déjà qu’un putt aussi court peut se transformer en vraie torture. Si vous ne l’êtes pas, voici quelques éléments de comparaison : Doug Sanders qui s’effondre mentalement, c’est Sébastien Loeb incapable de passer la seconde parce qu’il a la trouille ; Roger Federer qui loupe la balle sur son service tellement il est angoissé ; Franck Ribéry qui frappe à côté du ballon sur un coup franc.

Le putt qui priva l’Américain Doug Sanders du british Open 1970. © Photo A. Jones / Getty Images

« J’avais préparé mon discours de vainqueur avant la fin de la bataille »
Doug Sanders

Il existe un débat historique sur le golf : est-ce un jeu de précision ou plutôt de puissance ? Donnons ici la réponse unique et définitive : c’est un sport essentiellement cérébral. Au plus haut niveau, c’est dans la tête que ça se joue, et parfois, les fils se touchent. Notre pauvre Doug Sanders l’a confirmé bien des années plus tard, justifiant ainsi le fait qu’il ait craqué : « J’ai commis cette erreur : je me suis demandé vers quel côté de la foule j’allais me tourner pour célébrer ma victoire. Et j’avais préparé mon discours de vainqueur avant la fin de la bataille… »

Pourquoi le golf génère-t-il une telle spécificité mentale ? Déjà, au commencement, était le pervers polymorphe qui a inventé ce jeu et imaginé tous les ingrédients pour faire perdre la tête : du sable, de l’eau, des brins d’herbe qui nient toute "roule" rationnelle, un trou à peine plus large que la balle ; une balle, justement, petite comme un œil de cheval, qu’on frappe avec un engin bizarre à la face d’impact à peine plus large que l’objet… Qui peut sortir indemne d’une telle pratique ?

Le golf rend dingue, mais ceux qui le jouent au plus haut niveau doivent l’être quelque part. Sinon, pourquoi Bernhard Langer, vainqueur du Masters en 1985 et 1993, trempait-il ses clubs dans des barils d’eau glacée après un mauvais tour, si ce n’est pour les punir d’avoir mal joué ? Pourquoi Vijay Singh, vainqueur du Masters en 2000 et de l’USPGA en 1998 et 2004, s’entraîne-t-il parfois au putting avec un trou de l’exact diamètre de la balle, pour rendre l’exercice presque impossible ? Pas simple de saisir tout ce qui se passe là-haut…

Dès lors, pourquoi s’ennuyer à jouer au golf ? Sans doute parce que le jeu est plus fort que tout. On ne peut l’oublier, ni le maîtriser. On y retourne toujours et jamais on ne songe sérieusement à l’abandonner, même si on meurt d’envie de le faire après chaque journée catastrophique. On est comme un prisonnier, au final : on doit lutter, s’adapter, ne jamais renoncer. C’est sans doute pour ça qu’on joue rarement seul : on se sent moins vulnérable, à plusieurs…

L’Américain Arnold Palmer, 7 fois vainqueur de Majeurs, remporte la seconde édition du Trophée Lancôme, à Saint-Nom-la-Bretèche, en 1971.

Le golf est aussi le miroir de l’âme. « L’art golfique est un moyen d’expression. Ce n’est pas un jeu léger. Mais le meilleur moyen de se connaître est d’y jouer. Rien n’en réchappe. On y retrouve l’Homme Nu », a superbement écrit André-Jean Lafaurie dans son Dictionnaire amoureux du golf... Un autre facteur explique l’irrésistible attraction de cette discipline : la force du mirage. Tous les golfeurs ont cru à un moment avoir trouvé le secret de leur propre swing. C’est d’ailleurs une quête sans fin, parce que même quand il n’y a plus d’espoir, il en reste encore. Arnold Palmer, la légende vivante américaine (7 Majeurs entre 1958 et 1964) a un jour livré sa version de la sagesse : « Le secret pour maîtriser le jeu de golf ? Pour le professionnel comme pour le joueur moyen, il s’agit seulement de trouver une attitude qui permettra de faire peu de cas des mauvais jours. Puis de rester patient, et de savoir au fond de son cœur qu’on sera bientôt de retour au sommet. » Très bien. Mais une fois cette belle résolution énoncée, comment l’appliquer ? Le torturé golfeur irlandais Padraig Harrington, trois victoires en Grand Chelem (British Open 2007 et 2008, USPGA 2008), glisse le petit sourire de celui qui sait : « Le golfeur est très capricieux, c’est pour ça que les psychologues du sport ont un très bon avenir avec nous. On se laisse facilement entraîner… »

Parfois, tout va bien : c’est la "zone". Et comme tous les états de bonheur extrême, on ne se rend compte de rien, et le temps passe trop vite. Parfois, tout va mal. Et comme dans les périodes de grande dépression, on souffre en permanence. Le temps passe lentement, chaque micro-problème prend la taille d’une galaxie. Oui, le golf est un sport extrême par son intensité intérieure. Certes, les putts de deux mètres semblent inoffensifs face à une vague de vingt mètres à surfer ou à un sommet de plus de 8 000 mètres à gravir. Mais certains ne se sont jamais remis de les avoir manqués…

Vous pensez qu’on exagère ? On vous conseille alors la fréquentation de la Ryder Cup, un spectacle étonnant. C’est une rencontre qui oppose les douze meilleurs joueurs européens à leurs homologues américains, devant des dizaines de milliers de spectateurs, prêts à s’enflammer comme ça n’arrive jamais dans l’ambiance feutrée des parcours de golf. Les golfeurs savent également qu’un petit milliard de téléspectateurs les suivent par écran interposé et c’en est trop pour certains. Notamment les débutants dans l’épreuve : ils rigolent sur le putting green, puis ils donnent l’impression de se rendre à l’échafaud quand ils rejoignent le premier départ. Padraig Harrington, qui ne voit pas la balle sur le tee en 2002 tellement il est tendu, Ross Fisher qui n’arrive même pas à la poser dessus en 2010 tellement il tremble : tous ont reconnu avoir vécu leur plus grand moment d’enfer à cette occasion. Ce que notre Grégory Havret national résume ainsi : « Tu vois Tiger Woods taper au practice, tu as l’impression d’avoir Beethoven en face de toi. Et puis, au départ du 1, il va balancer un drive horrible… »

Et pourtant. S’il est bien un golfeur qui parvient à contrôler ces états, c’est Tiger Woods. L’homme aux quatorze Majeurs fait figure d’exception sur le circuit, avec son mental hors norme. Pour quelle raison ? Un peu de folie, beaucoup de génie, une confiance en soi ahurissante, et plein d’autres choses encore. Des qualités qui ont aussi fabriqué Victor Dubuisson, 23 ans seulement, premier Français à entrer dans les trente premiers mondiaux et auteur de performances brillantes ces derniers mois.

Mais tous les golfeurs ne bénéficient pas de tels atouts. L’Américain Ben Crenshaw, pourtant vainqueur des Masters 1984 et 1995, confesse que la frontière entre le paradis et l’enfer peut parfois se confondre. « J’étais à quelques centimètres de devenir un immense joueur : ceux qui séparent mon oreille droite de la gauche… » Comme si tout se jouait uniquement dans cet espace-là. Pour percer le mystère du golfeur, nous vous proposons d’aller à la découverte de ce qui peut se passer entre ses deux oreilles. Ses rares moments de félicité, ses doutes omniprésents, le rôle de son cercle rapproché. Et plus important que tout : sa capacité de résilience.

Et Doug Sanders, au fait, il s’en est remis de son putt raté ? « Oui, parfois, il m’arrive de ne pas y penser pendant au moins cinq minutes… Si je le pouvais, j’échangerais toutes les victoires de ma carrière contre ce titre-là. »

Le « Tigre » en pleine concentration.
 
 
 
 
Fermer le glossaire X

Le parcours

Le parcours

Tee

Désigne à la fois l’aire de départ et le support sur lequel on pose sa balle pour le coup de départ.

Green

Surface de gazon tondue ras sur laquelle se trouve le trou. On y joue exclusivement avec le putter.

Fairway

Zone d’herbe parfaitement tondue, située entre le départ et le green.

Rough

Partie gazonnée à côté du fairway, avec une herbe taillée plus haute et plus difficile à jouer.

Bunker

Obstacle fait de sable, placé à proximité des greens ou au bord des fairways.

Divot

Parcelle de gazon arrachée après un coup de fer tapé sur le fairway.

Par

Nombre de coups théoriques fixé sur chaque trou. Le par d'un trou dépend de sa longueur: par 3 pour les plus courts, par 5 pour les plus longs. Le par d'un parcours est égal à la somme des pars de chaque trou (entre 70 et 73, le plus souvent).

Le matériel

Bois

Famille de clubs, utilisés pour les coups longs.

Driver

Driver

Club à grosse tête faisant partie de la famille des bois, le plus léger du sac, qui permet de taper les coups de départ les plus longs.

Fers

Famille de clubs, à tête métallique, avec différents degrés d'ouverture en fonction de la distance à parcourir. Plus le numéro du fer est petit, plus sa face de club est fermée, et plus il va loin. Un fer 4 envoie ainsi la balle plus loin qu'un fer 8.

Wedge

Wedge

Les clubs les plus "ouverts" du sac (ceux qui font voler la balle le plus haut et le moins loin ceux qu'on utilise au bord des greens et dans les bunkers), faisant partie de la famille des fers.

Putter

Putter

Club utilisé pour frapper les putts. Sert uniquement sur les greens. Possède différentes formes différentes en fonction des préférences des golfeurs.

Les gestes

Drive

Drive

Désigne le coup de départ sur un trou, la balle posée sur le tee, tapé généralement avec le driver.

Chip

Chip

Petit coup roulé ou lobé tapé aux abords du green

Putt

Putt

Coup tapé sur le green avec le putter afin de mettre la balle dans le trou ou de s’en rapprocher le plus possible.

Kick

Rebond aléatoire effectué par la balle après avoir touché le sol