La multiplication des skippers inconnus

« Quatre copains informaticiens affûtés » étaient sur l’Affaire. Plus les services de « Beauvau ». A minuit pétante dimanche, la blogosphère nautique allait enfin voir se lever la voile qui cache @SkipperInconnu, rebaptisé « corbeau pétainiste », par un twittos qui ne se gondole pas avec les saillies drolatique du breteur de mots. On n’a rien vu venir… A Beauvau, chez les flics de France, c’était week-end et grilles fermées.

Pour ceux quont loupé les sketchs précédents, voici ce que @SkipperInconnu balance :

« On ne peut pas rire de tout avec tout le monde » résumait le cancérisé Desproges. Le @SkipperInconnu fâche. Le fort fort mécontent suggéra des noms goudronés pour habiller les plumes acérées qui soi-disant faisaient le ramage du corbeau: Philippe Eliès du Télégramme, Michel Desjoyeaux de Michel Desjoyeaux, Fred Pelatan from the blog où vous rodez, ou moi-même. Les dénégations ne suffirent pas à faire cesser une chasse qui n’est pas dénuée de menaces physiques.

Puisque @SkipperInconnu fait parfois rire, on ne va quand même pas le dégommer. Puisque @SkipperInconnu dit parfois la vérité, on ne va quand même pas l’outer. Merci collègue. J’ai interdit à mon fiston qui tirait déjà sur les fils de la toile de farfouiller plus en avant.

Par contre (aie, Momo Delforges, prof de français à l’ESJ Lille proscrivait l’emploi de par contre), mener jusqu’au bout l’enquête sur le mystérieux skipper désormais connu qui entend s’engager au Vendée Globe (voir post de novembre) c’est de la bonne. Il y a @SkipperInconnu qui n’est peut-être pas skipper et skipper inconnu qui aimerait skipper, tous les deux se délectant de l’inconnu.

En novembre, ce blog on donc collectivement divulgé un nom déniché dans les polders hollandais: Pieter Heerema, un PDG qui fait du blé mais aussi l’autruche, qui peut-être ne se rend pas compte du défi, qui demande à son personnel de se taire. On a aussi pêché un mentor qui est aussi une carpe, Michel Desjoyeaux, qui « par contrat » ne confirme ni n’infirme rien. Mich Desj s’est occupé au moins de l’entame du projet, en clair, mettre un novice du large sur un beau bateau neuf à foils, l’ex-Vento di Sardegna d’Andréa Mura, rebaptisé No Way Back. L’autruche et la carpe c’est fabluleux.

Mais l’autruche ça prend parfois tête haute le Amsterdam-Nantes en même temps qu’un de nos tweetos préférés. Tout se sait. Ou presque.

Il a été fort aimable le hollandais totalement démasqué. Il a demandé comment @Olivier_Cohen savait. Il a revendiqué la discrétion.

C’est pratique les twittos. Un autre, pneumologue breton qui écoute respirer les bateaux sur les cartes marines, a localisé le bateau, estampillé Néerlandais, le 1er janvier dans « un petit port sympathique », Jachthaven Kadoelenwerf, le port d’Amsterdam. Depuis, l’AIS, qui suit les étraves à la trace, n’a pas été réactivé. On peut vous le dire: No Way back est à Lorient, en chantier chez CDK, car après les mésaventures des frères de la mer sur la dernière transat, un petit renforcement n’est pas de trop.

Le bateau est en réfection, l’homme en réflexion.

L’autruche ne pouvant plus se cacher, les langues carpéièmes se sentent moins liées. Denis Horeau, le directeur du Vendée Globe en lâche un peu:

« Il va bientôt partir aux Canaries, entouré de gens sérieux, pour bouffer du mille. »

Les gens sérieux? Antoine Mermod, vu dans les coulisses de bien des projets sérieux.

Horeau n’a pas rencontré Heerema, mais un de ses représentants. Il n’est pas inquiet:

« Il emploie 12 000 personnes dans le shipping ou le dragage. Je préféré un mec qui a de la bouteille, qui va se donner les moyens, plutôt qu’un jeune tout fou qui va se prendre pour Gabart sans être Gabart. C’est pas le genre à faire n’importe quoi. Chabaud ou Leibovici, n’avaient pas beaucoup d’expérience avant leur Vendée Globe, mais elles ont su s’entourer, écouter, être prudentes, se montrer raisonnables, naviguer plus nord que d’autres dans le grand sud. Dick aussi était un primo-arrivant et ca ne l’a pas empêché d’être ultra compétitif… »

Le primo-arrivant hollandais entend multiplier les milles autour des Canaries où il a loué une base. Il devra passer par la case qualification, fin mai, avec la transat New-York – Les Sables.

Un jour, un quidam demanda à Pieter s’il avait bien un bateau. Il lui rétorqua.

« Du quel vous parlez ? Du moins de vingt mètres? du plus de 100m, du plus de 500 mètres. J’en ai beaucoup. »

L’eau est son élément. Le large un peu moins. Ira? Ira pas?

Radio-ponton, qui par ailleurs croyait bien aussi avoir débusqué @SkipperInconnu, a déjà trouvé le substitut du skipper pas inconnu: Charles Caudrelier. Il a l’étoffe c’est sûr. On l’a croisé à la cantine l’autre jour à Lorient où c’était navarin d’agneau. Il avait une veste avec du doré marquée team Gitana. Charles épaule Seb Josse, un des top favoris du Vendée Globe. « Je serai aussi son remplaçant. »

Chez ces gens là, c’est pas un bout de contrat qui empêcherait. Mais à écouter le grand Charles,  qui n’a pas un nez de menteur, ça sent pas le coucou qui attend que l’autruche change de nid.

« Ca fait pas forcément envie. Si je fais un Vendée c’est pour gagner. Récupérer des projets en cours de route c’est pas idéal. On verra. Je ne dis pas que ca ne va pas arriver, mais aujourd’hui il n’y a vraiment rien. »

Charles attend que les Chinois disent à nouveau oui à un tour du monde en équipage et sait bien que tous les meilleurs n’ont pas droit au tour du monde en solitaire. Il est élégant et dit croire au destin de tourdumondiste de Pieter :

« Il a une manière de faire assez inhabituelle, mais la voile c’est justement des non- pros et des pros qui font la même course, et franchement, s’il va doucement, s’il est prudent, il le fera tour… »

On a oublié de demander à Charles s’il connaissait @SkipperInconnu. Qui hier n’a rien tweeté et même que ça manque. S.L’H.

 

 

Cammas et la tentation du Vendée Globe

On connaît l’appétence de Franck Cammas pour les vacances. L’autre jour, claudiquant sur sa patte blessée (qu’il a bien failli perdre suite à son accident de décembre), et discourant, il remontait difficilement le courant temporel pour trouver trace de farniente rémunéré : « euh… quelques journées par-ci par-là… ah oui j’ai été au Cap Horn à l’automne pour un trip en catamaran… J’avais aussi été faire le tour de la Nouvelle-Calédonie… C’est souvent la mer… Je ne suis pas toujours très bien en vacances, j’ai parfois l’impression de perdre mon temps. » Plus tôt dans la vie, Francky avait aussi consenti un séjour Club Med à une amoureuse, au cours duquel il n’avait pu s’empêcher de gagner en duo la régate des gentils membres.

Photo Bernard Le Bars 2016

Photo Bernard Le Bars 2016

Franck Cammas navigue 320 jours par an, ce qui, ajouté à son talent naturel, lui permet de collectionner un bric-à-brac de ferrailles, appelés trophées, qu’il entasse sur des étagères oubliées dans la salle de séjour de sa base opérationnelle de Lorient. Quand il fut presque acquis l’an passé, que ni Accor ni personne, ne procurerait assez d’argent pour aller ramener le très convoité, mais aussi le plus moche trophée esthétique qui soit (la fameuse aiguière de la Coupe de l’America que même Tatie Danielle ne voudrait pas pour servir le thé), Franck sentit venir les affres d’un encombrant (pour lui) poil qui gratte dans la main et devient baobab. Alors il déroula son palmarès, long comme un road book moto d’une étape marathon du rallye Dakar, et dénicha une ligne manquante : le Vendée Globe. Ben oui, Francky goes sur tous les podiums –Figaro, Rhum, Jules Verne, Vor – mais pas sur celui-là. « Ca ne m’intéresse pas trop » serinait-il régulièrement. Le mono et le solo c’était du passé. Pourquoi aller doucement quand on peut aller vite? Pourquoi s’emmerder seul quand on peut s’assembler avec les meilleurs? Sauf que quand on est au bout du ponton, et que le vide s’annonce, c’est dans les vieilles vagues que peut s’annoncer la new-wave.

« Oui, un moment, quand on n’arrivait pas à partir sur la Coupe, je me suis intéressé au Vendée Globe  » nous/vous confie t-il.

Comme Franck ne picole guère, ce fut plus qu’une idée de soir de cuite.

« On a regardé sérieusement. L’idée c’était un projet gagnant. »

On l’aurait deviné.

« On a regardé les moules, on a vu des chantier et tout ça, mais on était un peu tard pour construire. L’idéal c’était de racheter SMA… »

SMA, l’ex Macif, l’ancien destrier qui porta François Gabart à une victoire fluide sur le dernier Vendée.

« On était convaincus qu’en le transformant avec des foils, il serait plus rapide que les bateaux neufs soumis aux contraintes de la jauge » (tiens, tiens, avis de pas n’importe qui).

Petite contrariété: Cammas n’est pas le seul à avoir l’œil malin. Michel Desjoyeaux, via sa structure Mer Agitée, avait récupéré le bateau convoité, l’affrétant pour son nouveau protégé Paul Meilhat.

« Alors on a laissé tomber le projet, on allait le faire mal. »

Petit miracle printanier, gros changement de règlement et de budget, enveloppe suffisante de Groupama et la conquête de la Coupe est redevenue possible.

Franck a échappé aux vacances. S.L’H.  

PLUS: à lire samedi dans l’Equipe Mag, Cammas et sa blessure, Cammas et les nouveaux risques, Cammas et la Coupe, mais pas Cammas et le Vendée.

Si Lamazou tient pas le pinceau…

« Puis-je soumettre comme thème de conversation, la représentation des océans dans l’art pictural ? »

Mais faites-donc cher ami.

C’est une conversation de salon suggérée, à la centième minute du Turner, le film, la toile quoi, qui se laisse voir, comme les toiles du peintre éponyme, multiples variations sur eaux et couchers de soleil.   turner

Puissions-nous soumettre comme thème de délibération, la représentation des océans du Vendée Globe principalement sur les murs des Sables-d’Olonne?

La question s’impose depuis qu’Isabelle Keller, « exploratrice graphiste », qui déjà met en couleurs les bateaux de Gabart, Lagravière ou De Pavant, s’est mis dans la caboche d’enchanter les murs des Sables, non pas au Sablimage, mais au pinceau/crayon/fusain.

Keller

 

Isabelle Keller, tint langue quelques années à Monsieur De Broc, vaillant récidiviste du Tour du Monde (il s’engage pour son quatrième). Et si Isabelle illustre, quelque part, c’est peut-être que Bertrand lui a vraiment raconté les houles et les embruns, car la petite centaine de gars qui ont osé s’engager sur le Vendée, n’ont guère ramené de dessins/peintures, ni même c’est une autre histoire d’écrits définitifs. Un seul tourdumondiste semble avoir l’étoffe de s’attaquer aux couleurs : Titouan Lamazou. Mais on a beau feuilleter la belle œuvre de celui qui a aussi ouvert le palmarès du Vendée, on ne fait qui entr’apercevoir la mer

« Je n’ai pas cette envie, analyse Titouan, longtemps j’ai représenté des femmes, des gens, et de plus en plus je me tourne vers les paysages mais la mer… Là je sors de quatre ans de Sahel et j’ai plus vu des chameaux que des bateaux… »

Titouan n’est pas homme à se triturer dans le pourquoi. Il ressent :

« Chaque fois que je peins quelque chose c’est une envie qui arrive, ca viendra, ca m’amènera à mon vieux projet de bateau atelier et là j’aurai la mer tous les jours devant moi. »

Pour l’Equipe Mag, vers 2000, Titouan a esquissé le Cap Horn. Une commande. Pour Bénéteau et ses 130 ans, il prépare quelque chose de maritime, de forcément maritime. Une commande. Pour le projet materné par Isabelle Keller, il fera aussi sa part. Pour la Marine, dont il est peintre officiel, il doit chaque année une œuvre, qui par tradition se veut être en eaux. « Je me débrouille, je mets des photos, et des paysages bercés par le rivage… »

Un jour, peut-être, Titouan Lamazou trouvera la pleine mer. Benoît Charon, émérite régatier granvillais, champion de France/d’Europe en monotypie, n’a jamais pris son ticket pour le Vendée Globe. Mais lui mouille ses pinceaux dans des eaux très salées même s’il n’a pas souvent dormi entre eau et ciel.

charon

Il en dit quoi? Qu’il n’a pas décidé de peindre le large, que ca s’est imposé:

« A la base je suis barreur, j’ai passé des heures les yeux sur la vague qui arrive, à la fin on finit par être imbibé… J’essaye de peindre ce que j’ai vu, ce que je ressens… Les marines représentent souvent des mers d’huile, des mers figées, moi c’est pas ce que je vois par là… Je peins, vite, comme je fais du vélo, pour entretenir le mouvement… Ca doit recréer une émotion, on doit être dans ce truc qui bouge… Et je suis content quand on me dit que ça ressemble, quand un marin qui a déjà bien navigué, comme Yann Eliès, a un de mes tableaux chez lui… »

La mer, la vraie, ne supporte pas la médiocrité. Faut oser s’y confronter même à terre.

Lamazou, qui en plus de naviguer, en plus de dessiner/peindre/photographier, écrirait bien en profondeur sur la mer, se compare

« Comme dIsait Bedos y a écrivain et écrivants.  » Comme il y aurait peintres et peinturlurants.

Ce serait juste qu’on peut pas tout faire. Alors les marins ramènent ce qu’ils peuvent en images ou tableaux ou mots. Aux terriens de tisser leur imaginaire.

« On peut pas dire que nos récits aient égalé Stevenson ou Conrad » constate Lamazou.

Isabelle Keller a partagé la vie et donc les récits intimes de Bertrand De Broc :

« Ils racontent, mais pas tout, ou alors faut insister. Ils ne sont pas souvent de grands raconteurs. » Encore moins de grands peintres. Ils laissent du vide, du blanc.

« Une fois le départ donné -et j’ai dû tous les faire- narre Isabelle Keller, qu’est-ce qu’il reste de la course dans la ville? C’est triste, c’est gris, c’est l’hiver, rien ou presque ne transpire le Vendée Globe. »

keller2Isabelle et sa bande, Maud Bernos (photographe), Gaele Flao (peintre/art performer), Monsieur QQ (plasticien), vont convier la mer dans la ville. Ca s’appelle Dans les rues du Globe, mise en scène urbaine et maritime. Trente, quarante ou cinquante scènes, collées, éphémères. En noir et blanc, car il s’agit plutôt de manier le fusain et le crayon. Avec des aplats de couleurs comme des aurores boréales ou des flashs lumineux. Isabelle voit déjà la vague de dix mètres de haut s’emparer du béton et submerger, pour de faux, les promeneurs solitaires. « L’œuvre d’un lieu et non l’œuvre dans un lieu » pour paraphraser Ernest Pignon-Ernest. Il y a aura la grande vague, des albatros et on ne sait pas encore quoi, puisque le quartet majeur écoutera ceux qui en sont revenus et ceux qui y partent :

« Ils vont nous raconter des moments, nous montrer des photos ou des films, se projeter pour ceux qui sont nouveaux, et avec tout ça on va transmettre une part d’imaginaire. »

Manque encore quelques sous, car ça coûte la mise en œuvre et un soudans le Kiss Kiss Bank Bank afférant ne serait pas de refus. Mais les crayons sont aiguisés, les pots de joie ouverts, les tableaux animeront les rues, en plus ou moins majestueux.

La mer s’emparera des murs, instant magnifique ; et puis le temps effacera, ardoise maléfique. Puissions-nous soumettre comme thème de débat au conseil municipal, la permanence de ces élans de fusain? S.L’H.

 

Gabart, Coville and co contre le Queen Mary

Damien Grimont est ingénieur. Il a construit des vrais ponts. Il est aussi passé sous certains pour mener un frêle esquif à la victoire dans une mini-transat intercontinentale. Il est aussi en passe d’en lancer un, en béton virtuel mais bien réel, entre Saint-Nazaire et New-York, ce qui est plutôt long. Ca s’appellera The Bridge. « Un pont fraternel entre la France et les Etats-Unis. » Au programme un défilé militaire et maritime puisqu’il s’agit d’abord de se souvenir du débarquement de 1917et de la grande guerre libératrice. Mais aussi du jazz, du basket, et du bateau car les soldats US avaient touché la côte -ils furent deux millions- avec un peu plus que leurs fusils.

Si on décalottait Damien Grimont, on découvrirait quoi dedans?  Peut-être bien des engrenages et des roues crantées, une sorte de mouvement perpétuel, d’idées barges jetées comme ça sur un coin de bar irlandais ou vannetais. Certaines se noieront dans le vin du soir. D’autres accoucheront (ce qui sous entend gestation, bel effort et incertitude). Grimont a cogité un port en rond, le Blue Ring, sorte de parking à étages intégré pour ranger sans gâcher le paysage les bateaux qui prennent l’eau une fois par an. Grimont a organisé la transat du chocolat qui se voulait un échange solidaires Nord-Sud. Grimont fait dans les chiffres et les lettres. Il a lu des livres et retenu cette antienne d’Isaac Newton qui chérissait aussi le mouvement entre les hommes : « We build too many walls and not enough bridges. » En français: construisons des ponts plutôt que des murs. Par exemple The Bridge. Le 24 juin 2017, un siècle après que le premier soldat US ait posé le pied du sauveur sur les côtes bretonnes, les multicoques ultimes de Gabart, Coville, Le Blevec et sûrement Joyon, défieront le Queen Mary 2, entre le Pont de Saint-Nazaire et le pont de Verrazano à New-York City.

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L’ingé a tout étudié:  » lui (le QM2) met six jours et demi, les multi, d’après les polaires, mettront entre 6 et 9 jours. » L’idée est belle. Et mérite de se taper du près. Le Queen Mary a bien des chances de snober les voiliers.  » Peut-être que ça permettra d’établir un record à battre. » Dans l’autre sens, l’antique goélette trois mats de Charlie Barr, demeura l’étalon historique d’un record épique, établi en 1905 (12 jours et 4 heures), effacé trois quarts de siècle plus tard par le trimaran d’Eric Tabarly (10 jours et  5 heures). C’est toujours l’histoire qui fait avancer les hommes.

Avant d’embarquer pour Itajaí et la transat Jacque Vabre, Francois Gabart avait eu le temps d’enregistrer un petit mot. il est question « de jouer le jeu retour. » Une sorte de débarquement pacifique.

L’affaire est fort ambitieuse: 6 millions d’euros de budget sans compter la location du paquebot emblème. 2620 passagers. Qu’il faudra trouver. Des hommes de très bonne volonté se sont engagés. Comme Tony Parker pour la partie basket. Comme Jean-Yves Le Drian pour la partie politico-bretonne.

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« Jean-Yves », comme l’appellent nombre de marins, recevait l’autre soir, en son Ministère de la Défense, l’hôtel de Brienne. Y avait de l’âgé et du gradé. C’est le genre d’occasion où les plus mal à l’aise ont bien envie de couper leur bracelet brésilien pour orner le revers vierge de leur veston, car tous les autres font dans la barrette multicolore ou la légion rouge. « Jean-Yves » a beaucoup à faire. Il est en guerre. Il prépare aussi les élections régionales avec le skipper préféré de tous Bilou Jourdain, en co-listier éligible. « Jean-Yves » et le Ministre ne sont pas assez d’un. Mais il a pris une heure pour lancer officiellement The Bridge depuis ses salons devant un parterre très franco-américain. Il a commencé ainsi :

« Depuis Lafayette, nous menons un même combat pour la liberté, que nous continuons ensemble aujourd’hui de défendre… »   LAFAYETTE

Le Ministre a déjà évoqué le dossier The Bridge avec son homologue américain. C’est comme deux parties qui inexorablement vont se rejoindre.

Les discours et les petits fours se prolongeaient. Il était temps de flâner dans les pièces qui succédent aux pièces qui succédent aux pièces. Clémenceau était là, droit rigide et moustachu, en statue de bronze, dans son bureau, devant sa carte d’état-major, détaillant le front de Verdun… Les U-boats allemands n’allaient pas tarder à viser les navires américains, décidant les américains à traverser l’Atlantique.

Du pupitre, que le Ministre et deux ou trois autres, avaient laissé au volubile Michel Lucas, président de la confédération nationale du Crédit Mutuel, sponsor co-fondateur de The Bridge  parvenaient les bribes de discours. « Faut pas oublier l’histoire... » Comme des ponts à travers le temps. S.L’H.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le mystérieux hollandais naviguant

 

« Les marins de toutes les nations croient à l’existence d’un bâtiment hollandais dont l’équipage est condamné par la justice divine, pour crime de pirateries et de cruautés abominables, à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles. On considère sa rencontre comme un funeste présage… » 

Ainsi se conte la légende, revue et corrigée, du hollandais volant, ou flying Dutchman.

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Ici ,il ne s’agira que d’une pâle adaptation, non belliqueuse, sur le traces d’un des six bateaux neufs construit pour le Vendée Globe 2016, où le nom du mystérieux skipper, pourrait bien apparaître à la fin de ces lignes.

Un conte à dormir assis, ou plutôt une chasse au trésor, instruite depuis la capitainerie de l’équipe magazine à Boulogne pas sur mer, avec sur les rives bretonnes @thomas Philibert, @Olivier Cohen et quelques autres passagers de la blogosphère en vigies avisées.

Indice 1, le bateau convoité.

Un midi à Paris, un marin encore méconnu tend sa main. Il cherche des sous pour être du Vendée Globe 2016. Il s’assied à table, là où le sel ne suffit pas à rappeler la mer. On l’écoute : son histoire est bien plus épaisse que celles de ces pilotes d’écume clonés qui ont intégré les écoles d’ingénieurs et subissent une communication cloue-becs. Pourtant sa sébile n’est pas bien pleine. On secoue un peu l’homme. « Pourquoi un chef d’entreprise devrait te donner plus à toi qu’à un autre ? » Le marin est côté, l’homme est sympa, le type est causeur. Il a déjà tourné autour du monde en excellente compagnie. Il a le profil mais le temps court. Il se retient et puis non : « quand j’en vois certains… » Ben oui le Vendée Globe c’est pas que les seize meilleurs capitaines. Faut encaisser. Il détaille le marché : « c’est surtout les bateaux qui vont manquer… » La dernière grosse occasion vient de filer sous le nez de lui et de plusieurs envieux. Une occasion neuve en plus. Un plan VPLP-Verdier, le cabinet à la mode, designé tout spécialement pour l’italien Andréa Mura, baptisé Vento di Sardegna. La région Sardaigne payait. Et puis la région n’a pas assumé jusqu’au bout. Vendu. 3,5 millions à ce qu’il se dit, à un particulier qui serait fort âgé et pas du cercle des initiés. « Peut-être qu’il y aura des bateaux à récupérer au dernier moment… ». C’est pas de la rancœur. Juste de l’envie d’en être.

Indice 2, le tweet qui attise.

C’est le tweet d’octobre qui excite la blogosphère vellique. Une photo qui montre mais qui ne montre pas. L’ex Vento di Sardegna n’est pas voué à devenir ponton à mouettes. il vogue sans nom. Avec qui? Michel Desjoyeaux confirme juste une rumeur. C’est bien sa structure, Mer agitée, son écurie de course au large qui gère le bateau. Mer agitée gagne à chaque coup le Vendée Globe. Deux victoires avec le patron. Deux victoires avec ses skippers choisis, Vincent Riou puis François Gabart. Le patron n’a rien à dire de plus: « j’ai une clause de confidentialité. » Une rumeur naît: Desj himself?

Indice 3, le pavillon tricolore.

Le bateau, encore brut de flocage, souvent flotte dans la port de Port la Forêt. Il est maté. Un matin une voile est hissée. Une lorgnette qui passait par là, croit se souvenir d’une inscription : NED 160. NED comme Nederland. Et à part ça. « Il y avait à bord un gars avec une barbe blanche. Ils l’appelaient capitaine. » On n’est pas si loin finalement du port d’Amsterdam.

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Indice 4, la Hollande l’autre pays des marins.

C’est pratique la pêche sur twitter: on chalute beaucoup sans se mouiller. Skipper + Dutch ? = Henk de Velde. Le profil est parfait. Un baroudeur poilu de 65 piges qui ne cesse se couper latitudes et longitudes sur à peu près tout ce qui flotte en y mettant le temps. Six tours du monde au compteur. Un septième à venir? Son site internet est évocateur: « Never Ending Voyage. » Le voyage sans fin. HdV serait-il le capitaine barbe blanche vu à Port la Forêt. il fraye sur twitter. Il répond : « c’est pas moi mais je sais qui c’est… » Henk a trop d’amis sur Facebook pour en faire le tour. Reste à le soumettre à la question en révisant l’almanach des marins bataves. Hans Bouscholte? Adrian Van Oord? HdV est sympa: « Son nom est Erik de Jong mais il négocie encore et ne veut pas parler. » Erik de Jong? Le Cruising Club of America lui a décerné une belle médaille pour une navigation émérite dans les glaces du far North…

C’est là qu’il faut tendre les oreilles au bout des comptoirs bretons, ramasser les mots et essayer de tisser des bouts de vérité.

Erik le orange ne serait pas notre homme. Il lorgnerait un bateau plus modeste que l’ex Vento di Sardegna. Il est question de l’ex Initiatives qui a vu le Horn avec Tanguy de Lamotte et ses robots.

Le vrai homme, celui qu’on cherche, aurait acheté un autre bateau, qui lui aussi à appris à faire des tours et connait la route, celui d’Alessandro di Benedetto, avant donc de trouver mieux.

Aux bouts des comptoirs et aux bouts des nuits, les vérités ne sont pas toujours claires. On a trop de bateaux, trop de hollandais et pas assez de noms.

Indice 6, appelez-le Pieter.

Le vent d’Ouest, parfois, charrie, des messages privés en 140 signes ou moins. Celui-là suggérait juste un prénom « Pieter« . Pieter + Dutch + Skipper ? = Pieter de Kam. Un capitaine fracasse qui a perdu un bateau quasi centenaire au large de l’Irlande. Pourquoi pas lui, pourquoi pas un autre? La Hollande a décidément beaucoup de skippers à barbes blanches.

Indice 7, appelez-le-encore Pieter.

Trois mots enfin peints sur l’arrière du bateau au skipper inconnu: « no way back ». Et un petit pavillon hollandais. No way back + dutch +skipper ?= Pieter Heerema.

clueCette fois… Au jeu du Qui est-ce? Pieter Heerema est ciblé. hollandais3

 

Belle toison blanche de sexagénaire. Belle fortune amassée, entre autres, dans le off shore. Belle pratique de la voile, en particulier, en RC44, une série pour riches proprio initiée par Russell Coutts, où les équipages moulinent et ceux qui payent doivent être à la barre. Est-ce assez pour postuler au Vendée Globe? On en a vu d’autres qui… Michel Desjoyeaux, qui serait donc son mentor, fait toujours l’huitre, en off comme en in.

L’ex Vento di Sardegna, qui semble donc rebaptisé No Way Back, pourrait être engagé sur le B to B (départ le 6 décembre), la transat en solo entre Saint-Barth et Port la Forêt.  Avec Pieter Heerema à la barre? A moins qu’il cache un petit protégé…

Indice 7

Roulez-tambour: à un an du départ du Vendée, Mister futur Ministre Bruno Retailleau, a énuméré la liste des pré-engagés. Il y a bien un Hollandais inconnu. A Port-la-Forêt, là ou l’ex VDS reste le plus souvent attaché un skipper amariné, Yoann Richomme, passe du temps sur le bateau comme si c’était le sien. Mais le dévoué est aussi employé de mer agitée, qui gère l’ex-VDS. Et Mich Desj, revenu un peu vite de la Transat Jacque Vabre, prend toujours son café sans lâcher un mot sur le skipper pas tout à fait inconnu.

 

 

S.L’H. (avec Olivier Cohen et Thomas Philibert)