Archives mensuelles : janvier 2013

La chance de Marie-Sainte

Julien Marie-Sainte affronte Maxim Bursak pour le titre de champion d’Europe des poids moyens, samedi à Aulnay-sous-Bois. L’occasion, pour le français, de sortir de l’ombre et de s’ouvrir les portes d’un titre mondial. 

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« Brigadier » a tracé son chemin. Depuis ses premières escarmouches dans la cour d’école qui lui valurent ce surnom. « Quand j’étais petit, je bougeais partout, je sautais partout avec mon trotter, sourit Julien Marie-Sainte. A l’école, à la récré, j’étais tout le temps en train de me battre avec les petits de mon âge. En voyant ça, mon grand-père m’a donné ce surnom.  Brigadier, en Martinique, c’est quelqu’un qui n’a peur de rien, un chef de meute. J’ai décidé de garder ce nom dans ma carrière de boxeur. »

A présent, Julien Marie-Sainte joue dans la cour des grands. Samedi soir, sur le ring de la salle Pierre Scohy d’Aulnay-sous-Bois, il disputera le championnat d’Europe des poids moyens. « Pour moi c’est quelque chose de grand. En France, de grands noms de la boxe l’ont remporté. » De Georges Carpentier à Jean-Claude Bouttier, sans oublier Marcel Cerdan, le titre européen a gardé son prestige intact. Une valeur sportive refuge, loin des titres factices qui décrédibilisent la boxe à l’heure actuelle.

En ces temps de disette médiatique, boxer à domicile est un privilège rare. « J’en suis conscient, et je remercie la ville d’Aulnay-sous-Bois de m’avoir épaulé. » Intégré au club du CSL Aulnay depuis 2005, Julien-Marie Sainte est devenu salarié de la mairie en 2011, dans la foulée de son championnat de France victorieux contre Afif Belgecham. « En France, la boxe ne fait pas vivre, ce n’est pas un secret. Ça me fait du bien d’avoir une certaine stabilité, ça permet de s’entraîner sereinement. Tu ne te dis pas : « si demain, je me blesse, qu’est ce qui va m’arriver ? »

La blessure, Marie-Sainte l’a connue fin 2011 : arrachement du tendon du biceps lors d’une mise de gants. « Quand le chirurgien m’a dit que peut être, je ne retrouverai pas la capacité totale de mon bras… J’étais inquiet. » S’en suit une année creuse pour le martiniquais. « J’ai fait quelques combats de reprise, j’ai eu plusieurs annulations avec des préparations pour rien… Puis, cette opportunité s’est présentée face à Maxim Bursak. »

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Bursak, un patronyme loin d’être inconnu en France puisque l’ukrainien s’est incliné contre un autre français, Hassan N’Dam, en mai dernier à Levallois-Perret. Pour Marie-Sainte non plus, Bursak n’es pas un étranger. Les deux hommes ont déjà eu l’occasion de croiser les gants en 2010, le français avait été l’un des sparring-partners de Bursak, dans sa préparation contre l’américain Brian Vilora.

J’étais au bord du ring quand Bursak a été battu par Hassan N’Dam. Si près que des gouttes de sueur, projetées par les impacts, ont entâché mon carnet de notes. J’ai vu un boxeur dépassé, sans génie, avançant avec peine sur son adversaire. Porté sur l’offensive, l’ukrainien ne dispose pas d’un répertoire très varié, mais il est extrêmement solide et reste dangereux à tout moment sur ses points forts, notamment sa droite et son crochet gauche.

Avec cette opportunité, Marie-Sainte, professionnel rigoureux passé jusque là relativement inaperçu dans le paysage médiatique français, tient sa chance de sortir de l’ombre. S’il la saisit, l’élève de Nasser Lalaoui pourrait bien prendre le leadership d’une boxe française aux abois, aux espoirs une nouvelle fois douchés par les défaites d’Hassan N’Dam à Brooklynn et de Cédric Vitu à Manchester.

Un championnat d’Europe est une porte ouverte vers un titre mondial, et si le français est d’ores et déjà classé 3e au sein de la fédération WBA, il préfère rester sobre. « Je n’ai pas trop envie de regarder derrière. Samedi, il y a une grosse marche à gravir pour moi, ce serait manquer de respect à mon adversaire. » Dans une catégorie des poids moyens qui compte en ses rangs des pointures comme Golovkin, Martinez ou Quillin, quelques onces de modestie ne seront pas de trop pour parvenir au sommet.

Jean-Charles Barès – (Twitter : @jcbares)

Photos : Denis Boulanger / Presse Sport

Un roi se meurt

A 44 ans, malgré son déclin avancé, l’américain Roy Jones Jr refuse de raccrocher les gants. 

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Face contre terre, saoulé de coups, Roy Jones Jr reste inerte pendant de longues secondes. A dix secondes du terme, le russe Denis Lebedev vient d’envoyer la légende au tapis. Triste épilogue pour un gars si talentueux, si loin de son apogée. La quarantaine bien entamée, Roy Jones Jr n’est plus que l’ombre de lui-même. Seules lui restent quelques pâles mimiques, vieilles réminiscences d’un talent insolent. Ce 21 mai 2010, déjà, l’américain aurait dû prendre sa retraite.

Ces derniers jours, pourtant, le très sérieux Telegraph rapporte que Roy Jones Jr serait en négociations pour un combat contre l’irlandais Steve Collins, 48 ans, retraité des rings depuis… 15 ans. Information confirmée par l’intéressé. Au préalable, papy Collins devra tout de même satisfaire des tests médicaux.

L’argument avancé par Collins : « Avec Roy Jones Jr, nous avons le même âge, donc c’est toujours une opposition équilibrée. Je ne penserais même pas à faire un come-back contre des jeunes de 15 ou 20 ans de moins. » Après plusieurs années à traîner les pieds, enchaînant les performances indignes, Roy Jones Jr est donc arrivé au bout du voyage.

En 2011, il affirmait à ESPN : « je ne veux pas perdre mon temps avec des combats de clowns (« joke fights »). Si je ne peux pas affronter les meilleurs, ce n’est pas la peine de boxer. » A présent, la donne semble avoir changé.

Un temps, il était même question qu’il affronte le dénommé « Kimbo Slice », un combattant de rue, devenu célèbre sur la toile grâce à ses combats à mains nues sur des parkings et à ses apparitions dans des vidéos pornographiques. A l’époque, la rumeur avait fait bondir les fans de Jones, malades à l’idée de voir leur idole croiser les gants avec pareille brute.

A 44 ans, Roy Jones Jr, qui a dû rembourser plusieurs millions de dollars au fisc américain en 2011, s’obstine à monter sur un ring, quitte à souiller son palmarès pour une bourse. Il assure, sans même y croire, qu’il veut encore gagner des titres. Aux Etats-Unis, il a perdu toute crédibilité, et se voit contraint de boxer à l’étranger, ce qu’il avait toujours refusé dans sa carrière. A défaut d’être encore compétitif, Roy Jones Jr reste un nom qui peut toujours vendre quelques tickets dans des endroits exotiques.

Roy Jones Creative Commons IN PERSON SIGNATURES

Pour son dernier combat, en Pologne, Roy Jones Jr est allé arracher une victoire par décision partagée contre un modeste inconnu, Pavel Glazewski, appelé quelques jours avant le combat pour remplacer son compatriote Dawid Kostecki, incarcéré pour proxénétisme. Et encore, Jones est allé au tapis dans le 6e round, et beaucoup d’observateurs ne l’avaient pas donné gagnant.

Le combat de trop, Roy Jones Jr l’a déjà fait plus d’une fois. Contre Danny Green en 2009, K.O au premier round. Face à Bernard Hopkins, un an plus tard, battu aux points sans gloire sous les sifflets du public. Sans parler de son dernier KO contre le Russe Lebedev. Aujourd’hui, les boxeurs de premier ordre l’évitent. Martyriser une idole déchue venue prendre un dernier chèque n’a rien d’un tremplin pour une carrière.

L’âge est une variable injuste. A 48 ans, Bernard Hopkins continue de se battre pour des titres. En son temps, George Foreman est bien devenu champion du monde à 45 ans, en battant Michael Moorer par KO. « Il faut que tu le fasses tomber. T’es en retard aux points bébé ! » lui avait lancé Angelo Dundee, son entraîneur, à l’appel du 10e round. Et Foreman s’était exécuté. On dit souvent que la dernière chose qu’un boxeur perd avec l’âge, c’est le punch… Jones, lui, l’a perdu depuis longtemps.

Assez de ces combats de seniors et de ces come-backs pécuniaires, à l’instar d’Evander Holyfield qui, à 50 ans, continue de réclamer un combat contre les Klitschko, histoire d’éponger un peu ses dettes. La boxe est malade de sa crédibilité. A l’heure actuelle, elle souffre assez pour supporter ces simulacres.

Au soir de sa piteuse défaite contre Kevin Mc Bride en 2004, Mike Tyson, très ému, avait annoncé sa retraite sur ces quelques mots : « je suis désolé de décevoir tout le monde, j’aimerais que les gens puissent récupérer leur argent. Je n’ai plus les tripes, je n’ai plus ça en moi. Je ne me bats plus que pour payer mes factures. Je ne vais pas continuer à manquer de respect à mon sport en perdant contre des boxeurs de ce calibre. Je ne boxerai plus. »

Jean-Charles Barès (Twitter : @jcbares)

Crédit photo : Ryan Loco