Julien Marie-Sainte affronte Maxim Bursak pour le titre de champion d’Europe des poids moyens, samedi à Aulnay-sous-Bois. L’occasion, pour le français, de sortir de l’ombre et de s’ouvrir les portes d’un titre mondial.
« Brigadier » a tracé son chemin. Depuis ses premières escarmouches dans la cour d’école qui lui valurent ce surnom. « Quand j’étais petit, je bougeais partout, je sautais partout avec mon trotter, sourit Julien Marie-Sainte. A l’école, à la récré, j’étais tout le temps en train de me battre avec les petits de mon âge. En voyant ça, mon grand-père m’a donné ce surnom. Brigadier, en Martinique, c’est quelqu’un qui n’a peur de rien, un chef de meute. J’ai décidé de garder ce nom dans ma carrière de boxeur. »
A présent, Julien Marie-Sainte joue dans la cour des grands. Samedi soir, sur le ring de la salle Pierre Scohy d’Aulnay-sous-Bois, il disputera le championnat d’Europe des poids moyens. « Pour moi c’est quelque chose de grand. En France, de grands noms de la boxe l’ont remporté. » De Georges Carpentier à Jean-Claude Bouttier, sans oublier Marcel Cerdan, le titre européen a gardé son prestige intact. Une valeur sportive refuge, loin des titres factices qui décrédibilisent la boxe à l’heure actuelle.
En ces temps de disette médiatique, boxer à domicile est un privilège rare. « J’en suis conscient, et je remercie la ville d’Aulnay-sous-Bois de m’avoir épaulé. » Intégré au club du CSL Aulnay depuis 2005, Julien-Marie Sainte est devenu salarié de la mairie en 2011, dans la foulée de son championnat de France victorieux contre Afif Belgecham. « En France, la boxe ne fait pas vivre, ce n’est pas un secret. Ça me fait du bien d’avoir une certaine stabilité, ça permet de s’entraîner sereinement. Tu ne te dis pas : « si demain, je me blesse, qu’est ce qui va m’arriver ? »
La blessure, Marie-Sainte l’a connue fin 2011 : arrachement du tendon du biceps lors d’une mise de gants. « Quand le chirurgien m’a dit que peut être, je ne retrouverai pas la capacité totale de mon bras… J’étais inquiet. » S’en suit une année creuse pour le martiniquais. « J’ai fait quelques combats de reprise, j’ai eu plusieurs annulations avec des préparations pour rien… Puis, cette opportunité s’est présentée face à Maxim Bursak. »
Bursak, un patronyme loin d’être inconnu en France puisque l’ukrainien s’est incliné contre un autre français, Hassan N’Dam, en mai dernier à Levallois-Perret. Pour Marie-Sainte non plus, Bursak n’es pas un étranger. Les deux hommes ont déjà eu l’occasion de croiser les gants en 2010, le français avait été l’un des sparring-partners de Bursak, dans sa préparation contre l’américain Brian Vilora.
J’étais au bord du ring quand Bursak a été battu par Hassan N’Dam. Si près que des gouttes de sueur, projetées par les impacts, ont entâché mon carnet de notes. J’ai vu un boxeur dépassé, sans génie, avançant avec peine sur son adversaire. Porté sur l’offensive, l’ukrainien ne dispose pas d’un répertoire très varié, mais il est extrêmement solide et reste dangereux à tout moment sur ses points forts, notamment sa droite et son crochet gauche.
Avec cette opportunité, Marie-Sainte, professionnel rigoureux passé jusque là relativement inaperçu dans le paysage médiatique français, tient sa chance de sortir de l’ombre. S’il la saisit, l’élève de Nasser Lalaoui pourrait bien prendre le leadership d’une boxe française aux abois, aux espoirs une nouvelle fois douchés par les défaites d’Hassan N’Dam à Brooklynn et de Cédric Vitu à Manchester.
Un championnat d’Europe est une porte ouverte vers un titre mondial, et si le français est d’ores et déjà classé 3e au sein de la fédération WBA, il préfère rester sobre. « Je n’ai pas trop envie de regarder derrière. Samedi, il y a une grosse marche à gravir pour moi, ce serait manquer de respect à mon adversaire. » Dans une catégorie des poids moyens qui compte en ses rangs des pointures comme Golovkin, Martinez ou Quillin, quelques onces de modestie ne seront pas de trop pour parvenir au sommet.
Jean-Charles Barès – (Twitter : @jcbares)
Photos : Denis Boulanger / Presse Sport