Archives mensuelles : mars 2013

Bernard Hopkins est immortel

A 48 ans, Bernard Hopkins a surclassé Tavoris Cloud, de dix-sept ans son cadet. Il devient le plus vieux champion du monde de l’histoire, brisant ainsi le record qu’il avait lui-même établi.

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Il est le challenger mais, en dépit de tous les standards, c’est bien lui qui entre sur le ring en dernier. Preuve qu’à 48 ans, Bernard Hopkins n’est pas un boxeur comme les autres. L’attraction, c’est lui, et il n’est pas un titre, pas une règle qui ne s’efface devant son aura.

A son âge, finir sur ses deux jambes aurait déjà été une victoire mais « B-hop » avait écrit une autre fin. Dès l’entame, il impose ses règles. A petits pas, le vétéran contrôle la danse et promène le champion autour du ring. Le premier round est crucial, trois minutes suffiront à définir le rythme du combat. Lent, saccadé. Aux yeux des juges, Hopkins perd le premier épisode, mais il a tracé le chemin de son succès. Car à ce jeu-là, même avec ses vieux os, « B-hop » peut tenir quinze rounds sans sourciller.

S’il ne déclenche que très peu, Hopkins fait preuve d’une grande efficacité (41% d’efficacité à la fin du combat). En face, au lieu d’emballer le combat, de jouer sur sa supériorité physique, Tavoris Cloud se borne à travailler sur un coup. Le combat est pesant, le spectacle, bien pauvre.

A l’entame du 7e round pourtant, la foule se réveille et scande : « B-hop », « B-hop ». Poussif dans les premiers segments, Hopkins a trouvé son rythme. Le sang qui s’écoule de l’œil droit de Tavoris Cloud, coupé au 6e round, en atteste. Premiers sourires. Hopkins accroche, grimace, feinte et contre. Pas d’échanges spectaculaires, chaque épisode se gagne sur un ou deux coups bien sentis ; Hopkins choisit ses rounds et laisse passer les derniers soubresauts du champion.

La fin du combat sonne, Hopkins glisse quelques mots à l’oreille du vaincu. La même scène qu’avec Kelly Pavlik, à qui il avait infligé sa première défaite il y a cinq ans, semble se répéter. « Ne laisse pas ce combat te détruire », lui avait alors glissé Hopkins. Cette fois, les mots sont restés à la discrétion des deux hommes, mais on sent Hopkins narquois, agressif.

Il y a cette ironie, ces paroles revanchardes jetées à la face de ses détracteurs dans l’interview d’après-combat. « Tavoris Cloud est un jeune champion courageux, fort. Je lui ai dit que je ne serai plus là encore longtemps, encore 5 ans ! (sourire) Donc il redeviendra champion un jour ! Mais j’ai déjà détruit de jeunes champions, et on ne les a jamais revu ! »

A 31 ans, Tavoris Cloud, relativement méconnu malgré son statut de champion du monde, est passé à côté de sa chance de sortir de l’ombre. Remonter la pente sera assurément compliqué. Ceux qui avaient prévus la fin de Bernard Hopkins devront se faire à l’idée qu’elle est encore loin. Les optimistes y verront un énième signe de la grandeur d’Hopkins. Les autres se contenteront de rappeler que la relève est bien faible…

Jean-Charles Barès (@jcbares)

Dernier baroud pour Bernard Hopkins

A 48 ans, Bernard Hopkins affronte Tavoris Cloud samedi à New York pour le championnat IBF des poids mi-lourds. En cas de défaite, il devrait naturellement raccrocher les gants.

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C’est l’image d’une carrière. Bernard Hopkins, goguenard, se fend d’une petite série de pompes entre deux rounds. Éclats de rires dans les gradins. Malgré ses 46 ans, « B-hop » n’a rien perdu de son panache, ni de son art. Plus tranchant, toujours aussi truqueur, le vétéran prend l’ascendant. Au fil des rounds, son adversaire perd ses nerfs, oublie sa boxe. Ce 21 mai 2011, Hopkins surclasse Jean Pascal, de dix-huit ans son cadet, et devient le plus vieux champion du monde de l’histoire.

Le record semblait pourtant hors d’atteinte, presque d’un autre temps. L’apanage de « Big » George Foreman, couronné à ses 45 ans, après avoir expédié Michael Moorer au tapis en 94. Mais la prouesse d’Hopkins tient d’avantage à la manière qu’au résultat. Là ou un Foreman poussif, éreinté par 25 ans de carrière, avait mis un terme au combat sur un coup, « B-hop », lui, s’est montré meilleur sur douze rounds.

Deux ans se sont écoulés et, entretemps, Hopkins a été détrôné par Chad Dawson, sans avoir à rougir. Malgré son âge avancé, l’américain a montré qu’il n’était pas fini. Question d’adversaire, certainement. Au style roublard de Dawson, le vétéran s’est toujours mieux accommodé des boxeurs plus agressifs. Un profil que présente Tavoris Cloud, un champion en mal de reconnaissance qui lui offre une nouvelle chance mondiale, à 48 ans.

Bernard Hopkins, ici face à Anibal Miranda en 1992 au Cirque d'Hiver. Photo L'Equipe.

Bernard Hopkins, ici face à Anibal Miranda en 1992 au Cirque d’Hiver. Photo L’Equipe.

S’il admet volontiers qu’il n’est plus le même athlète qu’à ses 20 ans, Hopkins se targue d’une hygiène de vie quasi-monacale pour expliquer sa longévité. La force d’un parcours, sans doute aussi. Incarcéré à 17 ans pour vol à main armée, Hopkins passe 56 mois au pénitencier de Grateford. Il s’y consacre à la boxe amateur, devient champion des pénitenciers à quatre reprises et passe professionnel à sa libération.

Sa science de la défense y est également pour beaucoup. Dans sa carrière, « B-Hop » a déjà été battu, mais jamais brisé, jamais mis hors combat. Plus que l’affrontement forcené, sa force a toujours été de faire déjouer ses adversaires et d’éviter les coups lourds.

Hopkins n’a jamais été aussi fort que lorsqu’on lui promettait une correction. Quand il affronte Antonio Tarver en 2006, le grand public ne donne pas cher de sa peau. Tarver ne gagnera que deux rounds. Deux ans plus tard, même donne contre Kelly Pavlik, alors incontesté chez les poids moyens. Pavlik ne sera plus jamais le même après sa défaite. Il y a quelques semaines, il annonçait sa retraite, à 30 ans, à peine.

Mais à toute histoire il y a un épilogue, on ne retarde pas indéfiniment son déclin. Quand il montera sur le ring samedi, Bernard Hopkins aura 48 ans un mois et trois semaines. Le temps passe, irrémédiablement, et dans son sillage le corps s’essouffle, les réflexes s’étiolent. Ses dernières sorties en attestent : Hopkins prend des coups qui ne l’auraient pas effleuré il y a dix ans. Difficile de croire dans ces conditions qu’il puisse à nouveau surmonter un adversaire plus jeune, plus rapide et plus fort.

N’en déplaise aux doux rêveurs. En boxe, les belles histoires finissent souvent sur le sol. Hopkins a passé trop de temps sur les rings pour ignorer la règle. « You don’t retire from boxing, boxing retires you ! »

Jean-Charles Barès (@jcbares)