A 48 ans, Bernard Hopkins a surclassé Tavoris Cloud, de dix-sept ans son cadet. Il devient le plus vieux champion du monde de l’histoire, brisant ainsi le record qu’il avait lui-même établi.
Il est le challenger mais, en dépit de tous les standards, c’est bien lui qui entre sur le ring en dernier. Preuve qu’à 48 ans, Bernard Hopkins n’est pas un boxeur comme les autres. L’attraction, c’est lui, et il n’est pas un titre, pas une règle qui ne s’efface devant son aura.
A son âge, finir sur ses deux jambes aurait déjà été une victoire mais « B-hop » avait écrit une autre fin. Dès l’entame, il impose ses règles. A petits pas, le vétéran contrôle la danse et promène le champion autour du ring. Le premier round est crucial, trois minutes suffiront à définir le rythme du combat. Lent, saccadé. Aux yeux des juges, Hopkins perd le premier épisode, mais il a tracé le chemin de son succès. Car à ce jeu-là, même avec ses vieux os, « B-hop » peut tenir quinze rounds sans sourciller.
S’il ne déclenche que très peu, Hopkins fait preuve d’une grande efficacité (41% d’efficacité à la fin du combat). En face, au lieu d’emballer le combat, de jouer sur sa supériorité physique, Tavoris Cloud se borne à travailler sur un coup. Le combat est pesant, le spectacle, bien pauvre.
A l’entame du 7e round pourtant, la foule se réveille et scande : « B-hop », « B-hop ». Poussif dans les premiers segments, Hopkins a trouvé son rythme. Le sang qui s’écoule de l’œil droit de Tavoris Cloud, coupé au 6e round, en atteste. Premiers sourires. Hopkins accroche, grimace, feinte et contre. Pas d’échanges spectaculaires, chaque épisode se gagne sur un ou deux coups bien sentis ; Hopkins choisit ses rounds et laisse passer les derniers soubresauts du champion.
La fin du combat sonne, Hopkins glisse quelques mots à l’oreille du vaincu. La même scène qu’avec Kelly Pavlik, à qui il avait infligé sa première défaite il y a cinq ans, semble se répéter. « Ne laisse pas ce combat te détruire », lui avait alors glissé Hopkins. Cette fois, les mots sont restés à la discrétion des deux hommes, mais on sent Hopkins narquois, agressif.
Il y a cette ironie, ces paroles revanchardes jetées à la face de ses détracteurs dans l’interview d’après-combat. « Tavoris Cloud est un jeune champion courageux, fort. Je lui ai dit que je ne serai plus là encore longtemps, encore 5 ans ! (sourire) Donc il redeviendra champion un jour ! Mais j’ai déjà détruit de jeunes champions, et on ne les a jamais revu ! »
A 31 ans, Tavoris Cloud, relativement méconnu malgré son statut de champion du monde, est passé à côté de sa chance de sortir de l’ombre. Remonter la pente sera assurément compliqué. Ceux qui avaient prévus la fin de Bernard Hopkins devront se faire à l’idée qu’elle est encore loin. Les optimistes y verront un énième signe de la grandeur d’Hopkins. Les autres se contenteront de rappeler que la relève est bien faible…
Jean-Charles Barès (@jcbares)