Parce qu'il est avocat et qu'il aime parler avec ses mains, Jim Ably a posé sur le trottoir son paquet de chemises sous cellophane  il revient de chez le teinturier. C'est un Blanc de 40 ans, polo Ralph Lauren et coupe en brosse. Il est arrivé ici il y a deux ans, lorsque le quartier avait encore mauvaise réputation. Beaucoup de pauvres, de crime, de drogues. «Ãa va bien mieux, mais ce n'est pas encore parfait. Il y a quelques mois, j'ai arrêté un gars, moi-même», raconte-t-il un peu crânement. «Le genre junkie, il courait à contresens des voitures, juste là . J'ai gueulé : "STOP ! DON'T MOVE !" Le type a dû croire que j'étais un flic, alors il a pilé. Les policiers sont arrivés. Vous savez ce qu'il avait sur lui ? UN FLINGUE !» Jim Ably transforme alors son index et son pouce en arme à feu et il rit. «Si j'avais su... Les flics m'ont dit que ce que j'avais fait était assez con...»
Lofts luxueux. Ably habite ici, à 2 kilomètres à l'est du Capitole, sur la frontière invisible et mouvante qui sépare le «Washington blanc» du «Washington noir», dans une école de brique du début du siècle, la Thomas-Bryan School. Une ex-école, plutôt. Il n'en reste que les entrées «Boys» et «Girls». Après avoir été fermée durant plusieurs années, elle a été transformée par un promoteur en vingt lofts luxueux. L'un d'entre eux a été acheté par un bourgeois noir, les dix-neuf autres par des bourgeois blancs. Garées dans l'ex-cour de récré, des BMW côtoient