Rue de l'Avenir (Exposition universelle de 1900)

La « rue de l'Avenir » est un trottoir roulant installé à Paris lors de l'Exposition universelle de 1900. Il s'agit d'un circuit fermé formant une boucle de 3,5 km. Il a été conçu par les ingénieurs américains Schmidt et Silsbee, inventeurs du trottoir roulant lors de l'Exposition universelle de 1893 à Chicago.
Histoire
[modifier | modifier le code]Contexte
[modifier | modifier le code]En 1880, le Français Dalifol dépose un brevet concernant un système de locomotion comportant deux plates-formes : une fixe pour la montée et la descente, une mobile composée de panneaux courts (pour faciliter l'inscription en courbe). Ces panneaux étaient munis de roues garnies de caoutchouc guidées par des rails. Ce procédé n'a pas de postérité en raison de la mort de Dalifol[1]. Puis, en 1886, le Français Blot fait breveter un système similaire consistant en une plate-forme sans fin entraînée par la friction de galets tournant sur eux-mêmes[2].
En 1889, Eugène Hénard propose un « plancher continu soutenu par des wagons » mais qui nécessite 15 secondes d'arrêt toutes les minutes pour permettre aux voyageurs de monter. Joseph Lyman Silsbee et Max E. Schmidt reprennent cette idée pour l'Exposition universelle de 1893 en faisant en sorte que la différence de vitesse entre la plate-forme mobile et la plate-forme fixe n'excède pas 5 km/h, la vitesse de marche moyenne d'un être humain[3]. Pour cela, ils utilisent le train à gradins, breveté par Wilhelm et Rettig en 1888[2]. Ce trottoir connaît le succès et la Grande exposition industrielle de Berlin de 1896 le réutilise. Pour l'Exposition universelle de 1900, Hénard propose à nouveau son projet, mais c'est celui de Blot, Guyenet et de Mocomble qui est retenu[4].
Exposition universelle de 1900
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Le trottoir roulant, baptisé « rue de l'Avenir »[5], a été mis au point et construit par la Compagnie des Transports électriques, sous la direction de l'ingénieur des Ponts et Chaussées Henri Maréchal[6]. Cette compagnie a été formée par la Banque internationale de Paris, qui a également financé le projet à hauteur de 4 millions de francs. En plus de la plateforme roulante, un train électrique effectue le même trajet en sens inverse. Le prix du passage est de 50 centimes pour la plateforme et 25 centimes pour le train[7].
Des guides ont été édités pour les visiteurs. La Compagnie des Transports électriques s'est occupée de l'alimentation électrique de la plateforme et du train, au travers de 172 moteurs alimentés par la station d'Issy-les-Moulineaux. La plateforme est empruntée par 7 millions de visiteurs durant la durée de l'Exposition[4].
Postérité
[modifier | modifier le code]Georges Méliès tourna trois films sur le trottoir en marche, un à l'avant du train en marche et deux plans fixes montrant la plateforme mobile, qui font partie des Vues spéciales de l'Exposition de 1900 (en)[8]. Les plans fixes ont pour titres Les Visiteurs sur le trottoir roulant et Panorama pris du trottoir roulant Champ de Mars. La plateforme a été sujette à de nombreuses caricatures à l'époque[4].
L'idée d'un trottoir roulant reliant l'église de la Madeleine à la place de la Bastille fut envisagée dans les années 1920 pour désengorger les boulevards parisiens[9].
On peut voir le trottoir roulant en mouvement dans la compilation de vues des frères Lumière de Thierry Frémaux, Lumière, l'aventure continue[réf. nécessaire].
Parcours
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Le trottoir roulant formait une boucle en forme de quadrilatère de 3 370 m dans le sens inverse des aiguilles d'une montre[10]. Le tracé a été imposé par l'administration de l'Exposition[11]. Il comportait neuf stations : l'esplanade des Invalides (Rue Saint-Dominique et Invalides-Université), le quai d'Orsay (Pont des Invalides, Pavillons des nations étrangères, Pont de l'Alma, et Palais des Armées de terre et de mer), et le Champ-de-Mars (Porte du Champ-de-mars, Porte Rapp, Salle des Fêtes)[12].
Le train de type Decauville se déplaçait dans le sens des aiguilles d'une montre sur un parcours de 3 286 m[13]. La ligne comportait cinq stations : l'esplanade des Invalides, le Palais de l'Électricité et Château d'eau, le Champ-de-Mars, le Palais des Armées de terre et de mer et les Pavillons des nations étrangères. Le parcours du chemin de fer a été pensé de manière à éviter les franchissements à niveau, malgré la contrainte des stations au niveau du sol[14].
Description
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La rue de l'Avenir était constituée de trois plateformes. La première est immobile et sert de marchepied aux usagers afin de monter sur la seconde plateforme, qui se déplace à 4 km/h. La dernière plateforme se déplace à 8 km/h[15]. Sur toute la longueur du parcours sont disposés à intervalles réguliers des potelets métalliques servant de main-montoire, pour permettre aux voyageurs de circuler entre les plateformes sans tomber[16]. L'ensemble se situe à 7 m de hauteur[17], de sorte qu'elle se trouve au niveau du premier étage des palais[18]. Les stations sont à la même hauteur et sont accessibles par des escaliers ou des rampes mobiles[4]. Le tour du circuit prend 26 minutes[5].
Le trottoir fixe mesure un mètre dix de large, la plateforme mobile à faible vitesse est large de 80 cm, et celle dont la vitesse est plus élevée est large de 2 m. L'ensemble peut supporter 13 400 personnes simultanément[19].
La voie ferrée est à l'écartement d'un mètre[20]. Le matériel ferroviaire est composé de dix voitures automotrices (dix places assises et trente et une debout) et dix-huit remorques (trente places assises et autant debout). Chaque train est composé d'une automotrice et de deux remorques[20].
Mécanisme
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L'originalité du système de trottoirs mobiles, adopté pour l'Exposition de 1900, réside dans le fait que les organes de propulsion sont absolument distincts des organes de soutien et de roulement. La propulsion est assurée pour chaque trottoir par un galet agissant par friction sur une poutre fixée suivant la ligne médiane des plate-formes et celles-ci sont, de deux en deux, munies de deux paires de roues portées et guidées par des rails latéraux établis sous les planchers[14].
Les galets à friction sont montés sur un même arbre actionné par un moteur électrique fixe. Le bâti, qui porte les moteurs, les galets et les rouages intermédiaires, est suspendu à un axe horizontal fixe supérieur[pas clair] ; il repose d'autre part à sa partie inférieure sur le milieu d'un ressort à lames (analogue à celui d'une voiture) dont les extrémités sont reliées par des tirants ou tiges filetées à l'ossature fixe de la plate-forme. On peut donc, à l'aide des écrous dont sont munis ces tirants, régler la hauteur des points d'attache et par conséquent la pression exercée par les galets de friction sur la semelle de la poutre axiale. La ligne comporte environ 150 moteurs. Le galet destiné à actionner la plate-forme à grande vitesse a un diamètre deux fois plus grand que le galet qui actionne la plate-forme à petite vitesse.
L'électricité nécessaire à l'alimentation des moteurs est fournie par l'usine des Moulineaux, de la Compagnie de l'Ouest ; le courant fourni est transformé en courant continu plus avantageux en raison de la facilité de démarrage qu'il procure et de la latitude qu'il donne pour le réglage des vitesses. Ce courant est amené aux plates-formes par neuf câbles et reçu sur un tableau de distribution qui permet d'obtenir la marche dans un sens ou dans l'autre, ou l'arrêt immédiat.
Galerie
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Aquarelle et/ou gouache par Maurice Denis.
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Trottoir roulant à la station Quai d'Orsay - Pont des Invalides, devant le pavillon de l'Italie.
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Vue du chemin de fer à l'arrière du train par Eugène Trutat, avec en fond le Pavillon de l'Italie et le Pavillon des États-Unis.
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Illustration du supplément du Moniteur des Côtes-du-Nord.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ Jovignot 1901, p. 10.
- « Les trottoirs roulants de l'Exposition. », Revue Scientifique, t. XIII, no 1, , p. 658-659 (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ « Chemin de fer à vitesses multiples ou trottoirs mobiles », Le Génie Civil, t. XX, no 23, , p. 373 (lire en ligne, consulté le ).
- Chloé Cottour, « Le trottoir roulant : une solution de transport urbain ? », Gallica, (consulté le ).
- « Le trottoir roulant à l’Exposition universelle de 1900 », Passerelle[s] (consulté le ).
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 2-4.
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 16.
- ↑ Jacques Makthête, « Les Vues spéciales de l’Exposition de 1900, tournées par Georges Méliès », dans 1895, , 192 p. (DOI 10.4000/1895.138, lire en ligne), chap. 36, p. 99-115.
- ↑ James de Coquet, « Trottoir roulant », Le Figaro, (lire en ligne).
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 4.
- ↑ Jovignot 1901, p. 13.
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 9.
- ↑ « Les Transports électriques de l'Exposition : Chemin de fer électrique et Plate-forme mobile », Le Génie Civil, t. XXXVI, no 20, , p. 354 (lire en ligne).
- La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 12.
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 6-8.
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 8.
- ↑ Alexis Thiebaut, « Les monuments disparus de Paris », sur France Bleue, (consulté le ).
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 10.
- ↑ La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 14.
- La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, p. 15.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code] : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- La plate-forme mobile et le chemin de fer électrique, Le Figaro, , 16 p. (lire en ligne).
.
- « Les trottoirs roulants de l'Exposition », La Revue scientifique, 4e série, t. XIII, no 21, , p. 658–659 (lire en ligne) [lire en ligne].
- 1900, Exposition universelle et internationale de Paris, sur le site Expositions-universelles.fr
- La rue de l'Avenir vous dit-elle quelque chose ? : Description, photos, film et schéma du mécanisme
- David Jovignot, « Sur la plate-forme électrique de l'Exposition universelle de 1900 », Bulletin de la Société internationale des électriciens, 2e série, t. 1, , p. 9-58 (lire en ligne).
- (en) Erkki Huhtamo (en), « (Un)walking at the Fair : About Mobile Visualities at the Paris Universal Exposition of 1900 », Journal of Visual Culture (en), vol. 12, no 1, , p. 61–88 (DOI 10.1177/1470412912470523).
Article connexe
[modifier | modifier le code]- L'Article 330, pièce de théâtre en un acte de Georges Courteline.
- Panorama pris du trottoir roulant Champ de Mars, film de Georges Méliès.
- Les Visiteurs sur le trottoir roulant, film de Georges Méliès.