Note de lecture
Jean-Charles Asselain
HISTOIRE ECONOMIQUE DE LA FRANCE REGARDS NOUVEAUX SUR LE LONG TERME
François Crouzet, De la supériorité de V Angleterre sur la France. L'économique et l'imaginaire. XVUe-XXe siècle, Paris, Perrin, coll. « Pour l'histoire », 1985, 596 p.
Maurice Lévy-Leboyer, François Bourguignon, L'économie française au XIXe siècle. Analyse macro-économique, Paris, Economica, 1985, 362 p. Patrick Fridenson et André Straus (sous la direction de), Le capitalisme français. XIXe-XXe siècle. Blocages et dynamismes d'une croissance, Paris, Fayard, 1987, 427 p.
La publication à intervalles rapprochés de ces trois ouvrages denses et longuement mûris constitue une riche moisson. Le recueil de François Crouzet, rassemblant sans artifice des articles anciens, mais « indemnes », et des mises à jour inédites d'une grande acuité, domine trois siècles d'histoire franco- britannique ; il illustre de façon exemplaire la force de l'approche comparative, qui lui donne son fil conducteur. Maurice Lévy-Leboyer et François Bourguignon mettent à leur actif une percée en économétrie historique, déjouant les pièges que comporte ce type de « premières », grâce à une coopération de plusieurs années entre l'historien et l'économètre. Åuvre collective de jeunes historiens groupés autour de Jean Bouvier, le troisième ouvrage réunit des contributions fort diverses, mais que cimente une préoccupation commune : « réviser les vues longtemps dominantes » qui tendaient à présenter unilatéralement le développement économique de la France comme « retardé, entravé, raté parce que bloqué ». L'approche « révisionniste », au sens donné à ce terme par Jean Bouvier, consiste donc non pas à nier les blocages (ou à leur substituer l'image de quelque miracle économique français), mais à expliquer leurs raisons objectives et à montrer comment ils ont été en fin de compte surmontés. Cette perspective n'apparaît nullement contradictoire ni avec les travaux de F. Crouzet, ni avec ceux de M. Lévy- Leboyer et F. Bourguignon. En 1964, déjà , François Crouzet, sur la base des premiers résultats d'histoire quantitative, attirait l'attention sur le « parallélisme frappant » des croissances française et britannique à travers le xviiie siècle jusque vers 1780 ; l'avance anglaise demeurait certes hors de doute à bien des égards, mais la question ne pouvait plus être esquivée : pourquoi la Révolution industrielle n'a-t-elle pas eu lieu dans celui des deux pays qui avait encore, fin xvine, la plus forte population et le plus fort pro-
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Revue économique â N° 6, novembre 1988, p. 1223-1248.