In memoriam
ALAIN MALISSARD (1936-2014) « Je suis de Courtenay. » La première fois où jâai rencontré Alain Malissard, voilà comment il sâest présenté. Câétait il y a un demi-siècle. Jâavais beau avoir appris à lâécole, par coeur, les 89 départements de France + le territoire de Belfort + les 3 départements dâAlgérie, et leurs chefs-lieux, Courtenay, çà ne me disait rien ; dâailleurs, à cette époque, « rapatrié » désabusé, jâétais tenté de dire, comme le chat de Kipling : « tous lieux se valent pour moi. » Jâavais tort, évidemment, puisque Alain prononçait ces mots dans un pays qui est devenu ma patrie de substitution : la Grèce. Nous étions en effet, avec quelques autres, agrégés dâhistoire, de grammaire ou de lettres, « accompagnateurs COPAR » : tout lâété, nous faisions visiter les grands sites de Grèce aux étudiants parisiens. Ce nâest que plus tard, en le connaissant mieux, que jâai compris la raison de cette bizarre entrée en matière : il avait un attachement profond, viscéral, à sa « petite patrie » , la région orléanaise. Il a mis pourtant du temps à y revenir. Sa carrière a commencé, après lâagrégation, comme prof de lycée et il gardait un souvenir amusé de ses années au lycée de Bastia. Avec son humour habituel, où la gentillesse pour lâautre se mêlait dâautodérision, il racontait mille anecdotes sur sa vie quotidienne en Corse, où son teint mat et ses cheveux frisés (il en avait alors) le faisaient passer inaperçu... jusquâà ce que son accent trahisse le « pinsu » . Son talent multiforme sâest dâabord exercé dans lâécriture romanesque : en 1962, il faisait paraître chez Julliard un roman, En ce trop bref été, qui reçut le Prix international du Premier Roman. Une carrière de romancier semblait sâouvrir devant lui. à défaut, il revint à lâécriture en 2010 avec un petit livre plein dâune nostalgique tendresse : Tu penses à quoi Papy ?, où lâhomme se penchait autant sur son passé que sur ses petits-enfants. Pourtant, câest dans lâUniversité quâil embrassa bientôt une nouvelle carrière. Jây ai un peu contribué, en le présentant à qui il fallait, au moment où il fallait : R. Chevallier dâabord, puis A. Michel. Le premier patronna sa thèse de 3e cycle, qui fit quelque bruit, notamment chez nos collègues italiens, mais qui est malheureusement restée inédite, peut-être parce quâelle heurtait trop, alors, la frilosité académique française : « Ãtude filmique de la colonne Trajane » . Partant du principe juste que lâoeil humain nâa pas
Vita Latina 191-192 (2015) : 5-6.